Auteur/autrice : Buğra Taşkın

  • Voyage d’un enseignant vers la liberté : Un récit de résilience

    Voyage d’un enseignant vers la liberté : Un récit de résilience

    Je me tiens devant l’un des camps d’Hospice. Sur mon dos, un sac à dos, dans ma main, un stylo et un carnet… Je ressens une excitation et une curiosité alors que j’avance sur ce chemin silencieux, en route pour une interview avec un réfugié politique dont je ne peux révéler le nom pour des raisons de sécurité. Le long et étroit chemin, serpentant entre les arbres, me plonge dans un sentiment de solitude et d’abandon, ce qui ralentit mes pas. L’air, malgré la lumière du soleil, est chargé d’un froid pénétrant ; les arbres dénudés témoignent silencieusement de cette aventure. Je scrute les alentours, espérant apercevoir quelqu’un, mais je ne rencontre que le silence.

    Enfin, j’arrive devant la porte de la chambre de cet homme. Je frappe doucement à la porte. Accueilli par une voix chaleureuse et amicale venant de l’intérieur, il me dit en souriant : « Bienvenue, mon frère, entre. J’ai préparé du thé pour toi. » En entrant, je me retrouve dans un petit monde chaleureux. Dans un coin de la pièce, un petit lit, juste à côté une cuisine ; à l’arrière, une salle de bain et des toilettes. Dans cette ambiance intime, je sens la chaleur me gagner, dissipant l’effet du froid extérieur. « Merci, c’est gentil », dis-je, reconnaissant pour ce moment. Je m’assois à l’endroit qu’il m’indique, emporté par l’excitation de pouvoir l’interviewer. La chaleur de la pièce vient contraster avec le froid extérieur, intensifiant mon enthousiasme. D’une voix sincère, il commence à se présenter. « Je suis un éducateur venu de Turquie », dit-il, avec des étincelles d’excitation dans les yeux. Dès sa première phrase, le portrait d’un enseignant ayant dédié sa vie à l’éducation des enfants et des jeunes se dessine devant moi. Il travaille dans six provinces différentes de Turquie et enseigne dans des écoles ouvertes grâce aux sacrifices du peuple anatolien à l’étranger. Tout en portant l’orgueil de ses belles oeuvres passées, il se tient devant moi, droit malgré les épreuves et la fatigue de la vie. Cependant, son humilité est la plus belle expression de sa modestie.

    En 2016, avec le pouvoir que l’autorité politique prend en Turquie, lui et l’école où il travaille se retrouvent déclarés illégaux et injustement licenciés, puis accusés de trahison. Pourtant, l’école dans laquelle il travaille est agréée par l’État turc et fonctionne conformément à la loi, régulièrement inspectée par les autorités compétentes. Avec une tristesse dans la voix, il s’exclame d’un ton un peu plus fort : « Nous sommes des gens qui ne blesserait même pas une fourmi, mais nous avons été injustement accusés pour des raisons politiques. » Après ces mots, un silence s’installe, le bruit du vent à l’extérieur s’infiltrant à l’intérieur, accompagnant le son de l’eau bouillante sur le feu. « Attends un peu, mon frère, je vais te servir du thé », dit-il. Après avoir partagé le thé et quelques noix, il raconte qu’il passe 21 jours en détention avec 171 enseignants. Pendant cette période, il subit des pressions pour admettre sa culpabilité et se retrouve contraint de nommer des complices. « J’éprouve des tortures systématiques dans des cellules sombres », dit-il. Le tremblement de sa voix ravive des souvenirs douloureux. En évoquant les moments où il perd l’audition, reçoit des décharges électriques sur son corps, et est menacé de représailles contre sa famille, il partage sa douleur avec une voix triste et innocente.

    En montrant les rapports médicaux de ses médecins en Suisse, il indique qu’il a une perte auditive de 90 % à l’oreille gauche et de 80 % à l’oreille droite. « Il m’est impossible de communiquer avec les gens sans un appareil auditif », dit-il. Il parle également des tortures qui continuent en prison. « Je n’entends pas, c’est pourquoi je demande des appareils auditifs par le biais de lettres. Le directeur de la prison répond : ‘Vous ne pouvez pas obtenir cet appareil parce que vous êtes un prisonnier politique.’ » Il ajoute que s’il avait été un voleur ou un trafiquant de drogue, il aurait pu obtenir l’appareil auditif. Les procédures judiciaires se poursuivent, avec des allers-retours entre la prison et le tribunal. Finalement, le tribunal, ne trouvant aucune preuve contre lui, le libère sous condition. Cependant, après sa sortie de prison, en raison de pressions politiques, même ses proches refusent de lui parler. Et finalement, il déclare : « Je dois quitter mon pays bien-aimé pour ne pas être torturé. » Cette phrase résume la profonde douleur et le désespoir qu’il porte en lui.

    À travers ses récits, cet éducateur qui vient de sortir de prison me fait ressentir qu’il vit encore comme s’il était dans une prison à ciel ouvert, même dans ses premiers instants de liberté. « Même si ma profession m’a été enlevée, je suis toujours un enseignant dans mon âme », dit-il. Ces mots montrent que l’esprit enseignant qu’il porte en lui vit indépendamment des chaînes physiques. Cependant, lorsque se remémorant le moment le plus douloureux de sa vie, la mort prématurée de sa mère, la douleur dans son coeur s’accentue. Après le décès de sa mère, les années où sa tante joue un rôle maternel lui apportent une certaine chaleur, mais la peur qu’il ressent en tant qu’enfant sortant de prison le plonge dans une profonde mélancolie. Il rend visite à sa tante, et lorsque celle-ci ouvre la porte, elle a peur de le voir ; l’atmosphère de peur créée par le pouvoir enveloppe encore plus cette femme âgée, déjà blessée au coeur. « Ont-ils l’intention de nous faire quelque chose à cause de ta visite ici ? » Cette question révèle la psychose de la peur au sein de la société.

    Les dialogues lors de son procès lui viennent en mémoire. Les moments où il dit : « Je suis enseignant, pas terroriste » lui rappellent l’incertitude dans les yeux des juges. Le fait qu’un homme ayant toujours tenu un stylo en tant qu’éducateur soit stigmatisé comme un terroriste constitue un exemple amer de l’arbitraire et de l’injustice en Turquie. Le tribunal déclare illégales ses activités d’enseignement, ignorant ainsi toutes les oeuvres qu’il réalise au cours de sa vie.

    Cet enseignant, nouvellement libéré, se trouve à l’aube d’une nouvelle vie. En traversant la rivière Meriç pour atteindre la Grèce, cela représente un nouveau départ pour lui. Son histoire de migration est aussi complexe et profonde que les conflits intérieurs de Raskolnikov dans « Crime et Châtiment » de Dostoïevski. Après avoir franchi la frontière, il marche sur des sentiers boueux vers Thessalonique. L’exil est sa seule source de motivation ; ce mot représente pour lui à la fois une lutte pour l’existence et un symbole d’espoir. Les jours passés à Thessalonique et à Athènes lui ouvrent les portes d’une nouvelle vie.

  • Présentation et discussion des notions d’activation, d’intégration et d’insertion professionnelles

    Présentation et discussion des notions d’activation, d’intégration et d’insertion professionnelles

    Les notions d’activation, d’intégration et d’insertion professionnelles sont centrales dans la dynamique du marché du travail, en particulier pour les personnes éloignées de l’emploi. Vincent Delorme, dans ses travaux, propose une approche structurée de ces concepts en les reliant à des catégories de facteurs qui influencent l’insertion professionnelle. Ces catégories sont détaillées dans l’article:

    “Cadre conceptuel :

    les facteurs agissant sur l’insertion professionnelle des bénéficiaires de l’aide sociale”.

    Activation

    L’activation désigne un ensemble de politiques visant à encourager les bénéficiaires d’aides sociales à adopter une attitude proactive dans leur recherche d’emploi. Ce concept repose sur l’idée que l’accès à l’aide sociale doit être conditionné par des efforts de recherche d’emploi. Dans le cadre de l’activation, Delorme identifie des facteurs externes, tels que les politiques publiques visant à réduire le chômage, qui influencent l’efficacité de ces mesures. Par exemple, l’Accompagnement à la Recherche d’Emploi (ADR) a pour but d’inciter les bénéficiaires à participer activement à leur réinsertion.

    Un aspect important à considérer est que, parfois, avant de se lancer dans la recherche d’un emploi, il est nécessaire de résoudre certaines problématiques personnelles, telles que des problèmes familiaux, de santé ou même d’apprentissage de la langue. Comme l’a souligné notre professeur, les personnes qui parlent bien le français ont souvent plus de chances de s’intégrer dans la société.

    L’article mentionne également que les circonstances personnelles, telles que les valeurs culturelles vis-à- vis du travail, peuvent influencer cette activation.

    Intégration

    L’intégration professionnelle, quant à elle, fait référence à l’état ultime recherché à travers le processus d’insertion : il s’agit d’obtenir un emploi stable et de s’intégrer durablement dans le marché du travail. Delorme souligne l’importance des facteurs individuels, comme les compétences sociales et la motivation, qui sont cruciaux pour réussir cette intégration. Une anecdote marquante partagée en cours illustre bien ce point :

    un homme, après avoir été longtemps au chômage, se rend compte que son enfant souhaite un jouet qu’il ne peut pas lui acheter. Cet instant de prise de conscience devient un déclencheur pour lui, le poussant à chercher un emploi afin de pouvoir satisfaire ce désir. C’est souvent dans ces moments d’éveil que les individus réalisent la nécessité de leur intégration professionnelle.

    Insertion

    L’insertion professionnelle est le processus par lequel un individu accède au marché du travail. Dans l’article de Delorme, trois catégories de facteurs influençant ce processus sont décrites : les facteurs externes, les circonstances personnelles et les facteurs individuels.

    Par exemple, la situation économique et les politiques d’activation sont des facteurs externes cruciaux, tandis que les problématiques sociales et familiales relèvent des circonstances personnelles. Il est à noter que l’insertion sociale doit précéder l’insertion professionnelle. Avant de penser à un emploi, il est essentiel de garantir l’intégration sociale de l’individu, comme le souligne également l’article.

    En somme, l’interaction entre ces trois notions est complexe et nécessite une approche intégrée pour favoriser l’accès et la pérennité des emplois pour les personnes en difficulté.

    Loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité.

    Adoptée en 2024, cette loi vise à simplifier l’accès à l’aide sociale et à offrir un accompagnement personnalisé pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de précarité.

    Adoption et objectifs de la loi

    • La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, dans le but de répondre de manière plus efficace aux besoins des personnes en difficulté.

    • Elle s’inscrit dans une volonté de faciliter l’accès à l’aide sociale, en réduisant les démarches administratives, tout en proposant un suivi global centré sur l’insertion.

    • L’objectif est d’accompagner les bénéficiaires, notamment les jeunes, les familles et les enfants, dans un parcours d’autonomisation, en s’appuyant sur une évaluation de leurs besoins spécifiques (logement, santé, formation, emploi, etc.).

    Principales innovations et améliorations

    • Simplification administrative : le calcul de l’aide est effectué tous les 6 mois, sans demande systématique de documents.

    • Incitation à l’emploi : une partie du salaire n’est plus déduite de l’aide financière, permettant d’augmenter les revenus mensuels.

    Contribution à l’intégration professionnelle

    • La loi vise à favoriser l’employabilité et l’autonomie financière des bénéficiaires, en les aidant à développer leurs compétences et leur réseau professionnel.

    • L’objectif est de permettre une (ré)insertion durable sur le marché du travail, en offrant un soutien adapté aux besoins de chacun.

    • Les innovations en matière de gestion budgétaire et d’incitation à l’emploi devraient contribuer à une meilleure intégration professionnelle à long terme.

    En résumé, cette loi marque un tournant dans l’approche de l’aide sociale, en plaçant l’insertion sociale et professionnelle au coeur du dispositif, dans une logique d’autonomisation et de simplification des démarches pour les bénéficiaires.

    Positionnement sur les mesures d’activation et d’insertion professionnelle

    La réflexion sur l’alignement des mesures proposées avec les valeurs personnelles est cruciale. Dans ce contexte, un certain conflit peut être identifié entre les mesures d’activation et d’insertion professionnelle, et les valeurs d’empathie et de respect de la dignité humaine.

    D’un côté, le concept d’activation, qui conditionne l’accès à l’aide sociale à une attitude active de recherche d’emploi, peut sembler juste et nécessaire dans une optique de responsabilisation. Cependant, cette approche risque de négliger les réalités complexes auxquelles font face de nombreux bénéficiaires, comme les problématiques personnelles (familiales, de santé, linguistiques, etc.) identifiées dans l’article de Vincent Delorme. Il est essentiel de prendre en compte ces éléments, sans quoi les mesures d’activation peuvent conduire à une stigmatisation et à une marginalisation des personnes en difficulté, ce qui serait en contradiction avec les valeurs de compassion et de justice sociale

    D’un autre côté, les incitations financières aux entreprises pour l’embauche de bénéficiaires d’aide sociale peuvent offrir des opportunités d’intégration. Néanmoins, les risques de précarisation soulevés dans le texte sont préoccupants. Si les emplois proposés ne permettent pas une véritable intégration durable, cela peut créer des situations difficiles ne respectant pas la dignité des individus.

    En résumé, bien que certaines mesures puissent présenter des bénéfices, il est essentiel de les examiner de manière critique afin de s’assurer qu’elles ne compromettent pas les valeurs fondamentales d’empathie, de respect et de dignité

    humaine. Ent tant que travailleurs sociaux, l’engagement sera de défendre ces valeurs tout en cherchant à trouver un équilibre entre les exigences des politiques d’activation et les besoins réels des personnes accompagnées.

    Delorme, V., (2016), Bénéficiaires d’aide sociale de longue durée : freins et ressources pour retrouver un emploi, Master, IDHEAP, Lausanne (p. 20 à 32)

    Schweri, Michel. Concepts-clés Marché travail HETS. Notes de cours AS1.