Étiquette : droits humains

  • Défis et opportunités dans un monde en mouvement

    Défis et opportunités dans un monde en mouvement

    Au cours des 20 dernières années, le phénomène migratoire a évolué de manière complexe, alimenté par des facteurs tels que le changement climatique, les conflits, les crises humanitaires et les défis liés au développement. Cette dynamique englobe non seulement la migration régulière, mais aussi la migration irrégulière et les processus d’asile, ainsi que les déplacements internes, qui dans des régions comme l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie et le Asie occidentale, façonnent des réalités diverses et souvent critiques.

    En Amérique latine, la crise vénézuélienne a déclenché un exode sans précédent, avec plus de 7 millions de Vénézuéliens se déplaçant, dont beaucoup en tant que réfugiés ou demandeurs d’asile. De même, les déplacements internes sont une problématique constante : on estime qu’en Amérique latine, environ 6,5 millions de personnes ont été déplacées en raison des conflits et des catastrophes naturelles. En Afrique, le nombre de déplacés internes dépasse les 21 millions , tandis qu’en Asie et au Asie occidentale, les conflits prolongés ont généré plus de 20 millions de déplacés, dont plus de 6,2 millions en Syrie et près de 3,5 millions en Afghanistan. De plus, on estime que la migration irrégulière représente environ 15 % des flux migratoires mondiaux, et au niveau mondial, en 2023, il est estimé qu’il existe près de 6,7 millions de demandeurs de réfugiés, de requérants d’asile et de personnes ayant besoin d’une forme de protection internationale.

    Transferts de fonds et leur impact

    Les transferts de fonds constituent un élément vital de l’économie de nombreuses familles, agissant comme un mécanisme de solidarité et de stabilité. En 2022, les transferts mondiaux ont atteint plus de 650 milliards de dollars, ce qui démontre la capacité des migrants à soutenir leurs communautés à distance.

    La Banque mondiale estime qu’en 2024, comme indiqué dans le rapport, l’Inde sera le principal récepteur de transferts, avec un flux estimé à 129 milliards de dollars. Viennent ensuite le Mexique avec 68 milliards, la Chine avec 48 milliards, les Philippines avec 40 milliards et le Pakistan avec 33 milliards. Dans les économies plus petites, les transferts représentent une part significative du Produit intérieur brut, soulignant leur importance dans le financement de la balance des paiements courants et la couverture des déficits budgétaires. Dans ce contexte, le Tadjikistan dépend de ces transferts pour 45 % de son PIB, tandis que les Tonga atteignent 38 %, le Nicaragua et le Liban 27 % chacun, et les Samoa 26 % .

    Marchés du travail, commerce et déportations

    La migration, qu’elle soit régulière ou irrégulière, agit comme un pont dans la configuration de marchés du travail dynamiques. En Asie, les travailleurs migrants provenant de pays comme les Philippines et l’Inde ont été essentiels dans des secteurs tels que la santé, la technologie et la construction, facilitant le transfert de connaissances et la création de réseaux commerciaux qui renforcent l’innovation et la compétitivité. En Asie occidentale, des pays comme le Qatar et les Émirats arabes unis ont connu une transformation de leurs marchés du travail grâce à l’arrivée de travailleurs de diverses origines, ce qui a permis le développement d’infrastructures et de services essentiels.

    Le panorama migratoire actuel fait face à des défis importants. Aux États-Unis, l’administration de Donald Trump a intensifié ses politiques migratoires durant son second mandat, réactivant des programmes tels que le 287(g), qui permet aux agents locaux d’agir en tant qu’officiers de l’immigration fédérale. Cette collaboration a entraîné une augmentation considérable des déportations, avec plus de 8 000 personnes arrêtées depuis son retour au pouvoir. De plus, les restrictions sur les arrestations dans des zones auparavant considérées comme sensibles, telles que les églises et les écoles, ont été supprimées, et des quotas d’arrestations ont été imposés aux agents du Service de l’immigration et du contrôle des douanes (ICE).

    En Europe, la migration a été un sujet central en 2024, influençant le paysage politique et conduisant à la mise en oeuvre de politiques plus restrictives. En octobre 2024, 17 pays européens ont demandé un “changement de paradigme” dans les politiques migratoires, mettant l’accent sur la nécessité d’accélérer et d’augmenter les déportations des demandeurs d’asile. Cette approche reflète la pression croissante sur les gouvernements pour régulariser et restreindre l’entrée des personnes en situation irrégulière.

    Ces chiffres et ces politiques soulignent la nécessité d’établir des approches migratoires humanitaires et cohérentes qui reconnaissent la diversité des situations et les droits des migrants. L’équilibre entre le contrôle des frontières et la protection des droits humains reste un défi crucial dans le contexte migratoire mondial actuel.

    Les défis de la santé sont critiques dans les contextes migratoires . Dans les camps de réfugiés du Asie occidentale, seules environ 60 % des besoins de santé de base sont couverts, affectant la qualité de vie et la sécurité des populations déplacées. En Afrique, l’accès aux médicaments essentiels dans les camps de réfugiés couvre environ 55 % de la demande, mettant en évidence les carences en soins de santé pendant les crises. De plus, la résistance aux antimicrobiens est devenue une menace croissante dans ces environnements, compliquant le traitement des infections courantes et augmentant le risque de propagation de maladies résistantes. Ces défis, bien qu’urgents, offrent également des opportunités concretes, comme le renforcer des systèmes de santé et d’éducation, qui bénéficient tant aux migrant qu’aux populations locales. Les efforts de coopération internationale et les programmes d’intégration des réfugiés peuvent constituer des leviers pour améliorer l’accès aux soins et à l’éducation pour les populations déplacées, tout en soutenant les pays hôtes.

    La migration irrégulière et l’asile sont des piliers du panorama migratoire mondial. La crise vénézuélienne en Amérique latine a favorisé des flux irréguliers, de nombreux migrants empruntant des routes dangereuses à la recherche de sécurité. En 2025, les demandes d’asile au Mexique ont triplé après les restrictions aux États- Unis. À l’échelle mondiale, 5,6 millions de personnes ont demandé l’asile en 2024. Parallèlement à ces défis, il existe des solutions innovantes, comme l’intégration des migrants dans les marchés du travail locaux, créant ainsi des opportunités pour les deux côtés.

    Ces efforts contribuent à renforcer les économies locales tout en permettant aux migrants de reconstruire leur vie de manière digne et productive. Alors que ces défis persistent, la réponse mondiale ne devrait pas seulement consister à restreindre la migration, mais aussi à exploiter ses potentiels pour un développement commun.

    Les déplacements internes, aggravés par les conflits et les catastrophes climatiques, ont atteint 35 millions en Afrique, avec la Republique Democratic du Congo, l’Éthiopie et le Soudan parmi les plus touchés. Le manque de protection et de ressources augmente la vulnérabilité de ces populations, exigeant des solutions urgentes et durables. Ces déplacements internes, qui sont en grande partie causés par des conflits et des catastrophes climatiques, soulignent la nécessité urgente de politiques migratoires globales adaptées. Il est impératif que des actions concrètes soient entreprises à l’échelle internationale pour améliorer la protection et la réintégration de ces populations déplacées, en travaillant avec les gouvernements locaux et les organisations humanitaires.

    Ainsi, la migration, sous toutes ses formes, est un phénomène multidimensionnel influencé par des facteurs géopolitiques, des conflits persistants et des crises environnementales, des éléments qui continueront de façonner les flux migratoires mondiaux. Les données et exemples présentés montrent que, bien que les défis soient indéniables — de la migration irrégulière et des déportations aux limitations dans les secteurs de la santé et de l’éducation — des opportunités d’intégration, d’innovation et d’enrichissement culturel émergent également.

    Ces opportunités, comme le renforcement des systèmes de santé et d’éducation, bénéficient non seulement aux migrants, mais aussi aux communautés d’accueil, créant des dynamiques positives dans les sociétés hôtes.

    Il est essentiel que les médias et les autorités évitent les récits simplistes ou les campagnes négatives qui homogénéisent les migrants, en reconnaissant que chaque histoire et chiffre reflète des réalités complexes et diversifiées. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les défis, il faut mettre en lumière les contributions et le potentiel des migrants, qui enrichissent les sociétés à travers leurs compétences et leurs expériences.

    Face à ces défis urgents, une réponse collective est indispensable, impliquant des politiques migratoires inclusives et respectueuses des droits humains. La responsabilité collective rési

    de dans la promotion d’une vision équilibrée et humaniste, fondée sur des données vérifiables, qui, tout en répondant aux défis actuels — tels que les enjeux environnementaux et les tensions géopolitiques —, permet de saisir les opportunités offertes par la migration. Une telle approche doit être solidaire, respectueuse des droits humains et soucieuse de la prospérité partagée.

    Les efforts coordonnés au niveau international, le soutien aux communautés locales et la mise en oeuvre de politiques inclusives sont essentiels pour transformer la migration en un moteur de développement durable, d’innovation et de prospérité partagée. Une approche solidaire, qui combine soutien aux migrants et aux communautés d’accueil, peut véritablement changer la dynamique de la migration et en faire un levier de progrès pour tous.

  • Liberté et Amour : Sur le Poème Liberté de Paul Éluard

    Liberté et Amour : Sur le Poème Liberté de Paul Éluard

    `Sur mes cahiers d’écolier/ Sur mon pupitre et les arbres/ Sur le sable sur la neige/ J’écris ton nom…`

    Le poème Liberté de Paul Éluard est bien plus qu’un poème ordinaire pour moi. À différentes étapes de ma vie, j’ai rencontré ce poème dans différentes langues, et à chaque fois, il m’a permis d’y attribuer des significations plus profondes. La première fois que je l’ai découvert, c’était à travers la traduction en turc d’un poète turc. Puis, des années plus tard, en lisant l’original en français, j’ai réalisé que ce poème ne m’avait pas seulement touché par son sens, mais aussi par l’histoire qu’il porte. Au départ, Éluard avait envisagé d’écrire ce poème pour la femme qu’il aimait, et il pensait lui donner le titre Une Seule Pensée. Cependant, avec le temps, la pensée de la liberté a pris une place plus importante dans son esprit et il a changé le titre en Liberté. Peut-être pensait-il que le sens et la valeur de l’amour étaient liés à l’existence de la liberté. Finalement, ce poème est devenu un cri, dédié non seulement à la femme qu’il aimait, mais aussi à la liberté qu’il rêvait d’atteindre.

    `Sur les images dorées/ Sur les armes des guerriers/ Sur la couronne des rois/ J’écris ton nom.`

    Liberté est publié pour la première fois à Londres à la fin de l’année 1941. Puis, en juin 1942, il est à nouveau publié sous le titre Une Seule Pensée dans la revue Fontaine, et la même année, il est apparu dans le journal La France Libre à Londres. Quelques semaines plus tard, le poème, traduit en dix langues, est parachuté en milliers d’exemplaires dans les montagnes de la France occupée par la Royal Air Force. Ainsi, les mots intimes de Liberté sont devenus universels, porteurs d’un message de résistance et d’espoir. L’histoire de ce poème m’affecte profondément à chaque lecture. Car pour moi, la liberté n’est pas simplement un concept, mais l’émotion la plus fondamentale qui façonne ma vie. En tant que personne contrainte de quitter mon pays, je ressens chaque jour la douleur de la perte de la liberté. Le manque de liberté limite également l’attachement de l’individu à ses proches, à ses rêves et à lui-même. C’est pourquoi Liberté n’est pas simplement un poème ; il est le manifeste d’une lutte pour retrouver la dignité humaine, la patrie et la liberté. Ce lien entre la liberté et la dignité humaine se reflète aussi dans l’amour, un autre aspect essentiel de la vie. L’amour, bien sûr, est une chose précieuse. Exprimer par un poème ce que l’on ressent pour la personne que l’on aime est l’un des désirs les plus sincères du coeur. Mais pour que ces désirs prennent tout leur sens, la liberté est l’une des conditions essentielles. Pour vivre votre amour, l’atteindre, partager votre vie avec la personne que vous aimez, vous devez d’abord être un individu libre. Le poème d’Éluard transmet cette idée de manière si puissante en ancrant l’amour dans la liberté que chaque mot du poème touche mon coeur.

    `Et par le pouvoir d’un mot/ Je recommence ma vie/ Je suis né pour te connaître/ Pour te nommer/Liberté.`

    Liberté n’est pas seulement un poème d’amour. C’est une expression du désir humain de liberté, d’identité, d’honneur et de droits de l’homme. Chaque fois que je le lis, je me vois dans ces strophes. C’est pourquoi ce poème signifie bien plus qu’une simple oeuvre pour moi. Liberté est la voix de tous ceux qui connaissent la valeur de la liberté ; c’est le poème de ceux qui se battent pour elle.

  • Rencontre à l’aéroport avec des requérants d’asile

    Rencontre à l’aéroport avec des requérants d’asile

    L’Agora (Aumônerie Genevoise Oecuménique auprès des Requérants d’asile et des Réfugiés) est présente au centre fédéral à l’aéroport de Genève.

    Les personnes arrivant en avion et qui font une demande d’asile sont retenues pour la procédure dans un petit bâtiment dans l’enceinte de l’aéroport. Le temps de la procédure à l’aéroport est limité à 60 jours, si dans ce temps une décision n’est pas prise par le SEM (Secrétariat d’État aux Migrations), la personne entre en Suisse.

    J’y vais à la rencontre des personnes qui ont demandé l’asile, que je ne connais pas et je ne sais pas quelle langue elles parlent. Elles sont souvent angoissées et stressées, quand elles doivent raconter pour leur procédure la raison de leur venue, cela fait remonter des mauvais souvenirs. Je demande alors à Dieu de m’aider a trouver les bons gestes et paroles.

    Quelques rencontres qui m’ont marquée

    L’été passé, un monsieur des Comores est resté 5 mois dans ces lieux. Après la réponse négative de sa demande d’asile, le document nécessaire pour le renvoi a pris un temps énorme avant d’arriver.

    J’ai partagé avec lui le début et la fin du ramadan, son anniversaire et le premier août (Fête nationale suisse). Nous avons eu beaucoup de partages sur les religions, la vie et son avenir.

    Je n’oublierai jamais le sort d’une jeune fille de Guinée ! Avec l’aide de sa mère elle s’est enfuie d’un mariage forcé avec un vieux monsieur. En audition avec le SEM elle a montré la photo du mariage. Dans la réponse du SEM, il était écrit : « qui nous prouve que sur la photo ce n’est pas votre grand père ».

    Elle a reçu une réponse négative de sa demande d’asile. Elle a été renvoyée avec force à Casablanca d’où elle avait pris l’avion. J’ai été en contact avec sa mère, qui n’a plus eu de nouvelle de sa fille.

    J’ai rencontré Emmanuel recroquevillé et apeuré dans un coin. Cela faisait trois jours qu’il était à l’aéroport de Genève, lieu où il a déposé une demande d’asile. Je me présente et lui demande ce qui fait qu’il est dans cet état. Emmanuel me dit : « ici,ils ne veulent pas croire que je suis mineur .»

    Il m’a raconté une partie de ce qu’il a vécu dans son pays et m’a montré les horribles marques de torture qu’il a subies. Dans son pays, le Congo Kinshasa, il était accusé d’être un sorcier. Il se sentait perdu et abandonné. Nous avons partagé et prié ensemble.

    Nous avons pris contact avec la personne qui est venue à son secours et qui l’a aidé à partir pour échapper à l’enfer. J’ai reçu son acte de naissance et son carnet scolaire qui prouvaient qu’il était bien mineur. Nous avons transmis ces documents à la juriste de Caritas qui suivait Emmanuel. La juriste, qui elle aussi ne croyait pas qu’il était mineur, m’a fortement remerciée.

    Trois mois plus tard, Emmanuel m’a appelé. « J’ai une bonne nouvelle, j’ai reçu l’asile et un permis B. » Quelle bonne nouvelle !

    Monsieur Mbuyeh venait d’un village anglophone du Cameroun où l’armée a tué les habitants et brûlé les maisons.

    A ce moment-là, lui ne se trouvait pas au village. En rentrant, monsieur Mbuyeh a trouvé sa famille décimée. (il m’a montré une vieille Bible en disant : « c’est la seule chose qui me reste de mon père »). Il a été arrêté et mis en prison.

    Pendant sa détention, il s’est fait régulièrement violer par un gardien de prison. Ce même gardien qui transportait les détenus pour les exécuter, l’a jeté hors du véhicule, pour qu’il s’enfuit. Le médecin qu’il a vu a l’aéroport de Genève a dit que monsieur Mbuyeh devrait être pris en charge par des spécialistes.

    Pendant le temps où monsieur Mbuyeh séjournait à l’aéroport pour sa première audition, il souffrait beaucoup!

    Chaque rencontre est unique et nous enrichit mutuellement. En écoutant et accompagnant la personne en détresse, je demande la présence de Dieu. Car Jésus nous à dit : « là où il y a des personnes réunies en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Je garde la personne rencontrée dans mes prières. Les contacts avec les personnes rencontrées à l’aéroport continuent souvent après leur entrée en Suisse, même avec certains renvoyés dans leur pays.