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  • La paix, enfin

    La paix, enfin

    Quelle plus grande aspiration de l’humanité que celle de la paix ? Quelle plus grande ambition que de parvenir à faire cesser hostilités et conflits et conduire le monde dans un temps nouveau, que l’on croirait presque surnaturel, où toute violence et tout rapport de force aurait cessé ? On ne compte plus les mouvements civils pour la paix, nés au lendemain des conflits les plus meurtriers, qui ont bâti des programmes et élaboré des visions pour en finir avec ce fléau qui ravage et détruit toute vie, qui obéit aux logiques des forces de mort, pour devoir constater amèrement qu’à une guerre a succédé une autre guerre, souvent pire que la précédente.

    Mais où commence la paix ? Dans une première approche, je ne peux que reconnaître qu’elle ne peut commencer qu’en moi. Que je suis le premier territoire qu’il s’agit de pacifier si je veux espérer qu’elle s’étende plus loin. « Faire la paix » avec moi-même, avec mes déceptions et mes frustrations. Avec mes blessures. Tenter de vivre des relations pacifiées avec mes plus proches : dans ma famille, avec mes collègues, avec mes amis. La paix demande un effort pour apprivoiser ce qu’il peut y avoir de violence en moi : parvenir à mettre des limites à la fois à la tentation de l’ « emporter » sur l’autre, à la fois à toute agressivité, que ce soit activement ou dans une sorte d’indifférence qui ne fait pas moins de mal.

    La Bible, dans le Livre de la Genèse, nous rapporte un récit mythique des commencements de l’humanité où déjà la violence s’introduit. Le mythe raconte l’humanité, dans une sorte de théâtre qui fait voir des choses qu’on ne sait pas nommer encore ou qui échappent à une appellation trop précise. Caïn et Abel sont deux frères, nés du premier couple humain. Chacun se distingue de l’autre, chacun espère vivre sa singularité : frères oui, mais non pas indistincts.

    Et voilà que, alors que cette singularité s’exprime de la façon la plus manifeste, quand l’une des offrandes présentées en sacrifice reçoit une approbation que l’autre ne reçoit pas, l’un des frères prend l’autre à part et le tue. Comme si cette différence de l’autre, sa seule différence, parce qu’elle me renvoie à ce que moi je ne suis pas ou à ce que je n’ai pas, me devenait tellement insupportable que je cherche à éliminer cet autre qui me bouleverse.

    D’autres passages bibliques évoquent les penchants de l’humain pour le pouvoir et le prestige, en négligeant la justice et l’humilité : des attitudes qui empêchent la paix et la repoussent. L’un d’eux décrit les débuts du règne de Salomon (1er Livre des Rois, ch. 8) : le jeune roi y est montré dans ses élans de bâtisseur. De façon fine, le texte nous précise que sur 20 ans de travaux de construction, 13 sont consacrés à l’édification de la Maison du roi, tandis que 7 servent à édifier la Maison de Dieu, le Temple. Comme un avertissement déjà, les prémisses du déclin d’un règne qui aura par trop ménagé l’exercice d’un pouvoir humain, trop humain, au détriment du service d’un autre lieu, un lieu qui fait place à une logique différente de celle du pouvoir humain. Peut-être un lieu « sans logique », un lieu qui ouvre à la gratuité et à l’abandon. Un lieu de prière qui libère des pulsions de la possession ou de l’influence.

    Chercher la paix, oeuvrer en vue de l’avènement de la paix ne peut que passer par une prise de conscience de tout ce qui, en nous ou autour de nous, s’oppose à des relations justes et équitables. La paix en effet ne se conçoit pas sans justice, sans que ne soient garanties les conditions qui établissent une justice entre les êtres et entre les peuples, et aussi entre l’humanité et le reste du monde vivant.

    La paix est peut-être le lieu le plus profond de l’espérance humaine. Elle désigne un extrême de ce que le coeur humain désire et elle a souvent été associée au rêve, liée à un mouvement intérieur de l’être qui est plus fort encore que la volonté, qui se passe même de la volonté pour nous emporter dans un ailleurs où enfin elle aurait droit de cité. C’est ainsi qu’un des livres prophétiques de la Bible offre une vision magnifique d’un temps où toutes les adversités seront réconciliées, où la violence inhérente à l’existence, animale ou humaine, cessera pour faire place à une sorte de communauté pacifiée. Un temps où plus rien ni personne n’aura à réclamer un droit envers autrui car tout sera toujours déjà donné, à chacun selon son besoin : « Le loup séjournera avec le mouton, la panthère se couchera avec le chevreau ; le taurillon, le jeune lion et les bêtes grasses seront ensemble, et un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits une même couche ; le lion, comme le boeuf, mangera de la paille. Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère,et l’enfant sevré mettra sa main dans le trou de l’aspic. Il ne se fera aucun mal, il n’y aura aucune destruction, dans toute ma montagne sacrée ; car la connaissance du SEIGNEUR remplira la terre comme les eaux recouvrent la mer. » (Livre d’Esaïe, chap 11)

  • Rencontre à l’aéroport avec des requérants d’asile

    Rencontre à l’aéroport avec des requérants d’asile

    L’Agora (Aumônerie Genevoise Oecuménique auprès des Requérants d’asile et des Réfugiés) est présente au centre fédéral à l’aéroport de Genève.

    Les personnes arrivant en avion et qui font une demande d’asile sont retenues pour la procédure dans un petit bâtiment dans l’enceinte de l’aéroport. Le temps de la procédure à l’aéroport est limité à 60 jours, si dans ce temps une décision n’est pas prise par le SEM (Secrétariat d’État aux Migrations), la personne entre en Suisse.

    J’y vais à la rencontre des personnes qui ont demandé l’asile, que je ne connais pas et je ne sais pas quelle langue elles parlent. Elles sont souvent angoissées et stressées, quand elles doivent raconter pour leur procédure la raison de leur venue, cela fait remonter des mauvais souvenirs. Je demande alors à Dieu de m’aider a trouver les bons gestes et paroles.

    Quelques rencontres qui m’ont marquée

    L’été passé, un monsieur des Comores est resté 5 mois dans ces lieux. Après la réponse négative de sa demande d’asile, le document nécessaire pour le renvoi a pris un temps énorme avant d’arriver.

    J’ai partagé avec lui le début et la fin du ramadan, son anniversaire et le premier août (Fête nationale suisse). Nous avons eu beaucoup de partages sur les religions, la vie et son avenir.

    Je n’oublierai jamais le sort d’une jeune fille de Guinée ! Avec l’aide de sa mère elle s’est enfuie d’un mariage forcé avec un vieux monsieur. En audition avec le SEM elle a montré la photo du mariage. Dans la réponse du SEM, il était écrit : « qui nous prouve que sur la photo ce n’est pas votre grand père ».

    Elle a reçu une réponse négative de sa demande d’asile. Elle a été renvoyée avec force à Casablanca d’où elle avait pris l’avion. J’ai été en contact avec sa mère, qui n’a plus eu de nouvelle de sa fille.

    J’ai rencontré Emmanuel recroquevillé et apeuré dans un coin. Cela faisait trois jours qu’il était à l’aéroport de Genève, lieu où il a déposé une demande d’asile. Je me présente et lui demande ce qui fait qu’il est dans cet état. Emmanuel me dit : « ici,ils ne veulent pas croire que je suis mineur .»

    Il m’a raconté une partie de ce qu’il a vécu dans son pays et m’a montré les horribles marques de torture qu’il a subies. Dans son pays, le Congo Kinshasa, il était accusé d’être un sorcier. Il se sentait perdu et abandonné. Nous avons partagé et prié ensemble.

    Nous avons pris contact avec la personne qui est venue à son secours et qui l’a aidé à partir pour échapper à l’enfer. J’ai reçu son acte de naissance et son carnet scolaire qui prouvaient qu’il était bien mineur. Nous avons transmis ces documents à la juriste de Caritas qui suivait Emmanuel. La juriste, qui elle aussi ne croyait pas qu’il était mineur, m’a fortement remerciée.

    Trois mois plus tard, Emmanuel m’a appelé. « J’ai une bonne nouvelle, j’ai reçu l’asile et un permis B. » Quelle bonne nouvelle !

    Monsieur Mbuyeh venait d’un village anglophone du Cameroun où l’armée a tué les habitants et brûlé les maisons.

    A ce moment-là, lui ne se trouvait pas au village. En rentrant, monsieur Mbuyeh a trouvé sa famille décimée. (il m’a montré une vieille Bible en disant : « c’est la seule chose qui me reste de mon père »). Il a été arrêté et mis en prison.

    Pendant sa détention, il s’est fait régulièrement violer par un gardien de prison. Ce même gardien qui transportait les détenus pour les exécuter, l’a jeté hors du véhicule, pour qu’il s’enfuit. Le médecin qu’il a vu a l’aéroport de Genève a dit que monsieur Mbuyeh devrait être pris en charge par des spécialistes.

    Pendant le temps où monsieur Mbuyeh séjournait à l’aéroport pour sa première audition, il souffrait beaucoup!

    Chaque rencontre est unique et nous enrichit mutuellement. En écoutant et accompagnant la personne en détresse, je demande la présence de Dieu. Car Jésus nous à dit : « là où il y a des personnes réunies en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Je garde la personne rencontrée dans mes prières. Les contacts avec les personnes rencontrées à l’aéroport continuent souvent après leur entrée en Suisse, même avec certains renvoyés dans leur pays.