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  • Envol vers les rêves

    Envol vers les rêves

    En raison de la profession de mon père, j’ai dû voyager constamment et vivre une sorte de nomadisme tout au long de ma vie en Turquie. Cette vie m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes et de faire face à de nombreuses personnalités aux caractéristiques différentes. J’ai changé d’école quatre ou cinq fois… Ce fut un processus difficile pour moi et ma famille, ainsi que pour mon père, mais je n’ai changé de pays qu’à l’âge de 17 ans. Il est intéressant de constater que je ressens certains problèmes d’horizon comme une source d’inspiration dans mon coeur. Et une fois, de la même manière, très confiante, parlant à mes amis après un cours d’éducation physique (j’avais 15 ans à l’époque), je leur ai dit : « Je vais aller à l’étranger, je vais vivre là-bas, je vais étudier là-bas » Je me souviens très clairement (parce que de tels événements ne me font généralement pas renoncer à mes rêves, ils ne font que me renforcer), l’un de mes amis s’est moqué de moi et a dit sarcastiquement : « Exactement, même regarde ! Ton avion décolle ! » … A cette époque, nous n’avions pas prévu de partir à l’étranger. Mais cela semblait être dans mon coeur. Je n’avais aucun doute sur le fait qu’Allah me soutiendrait complètement dans cette voie.

    Et nous sommes en 2021, au mois de mars. Mon avion décollait pour la Suisse, comme l’avait dit mon ami. Ce ne sera pas comme tous les changements de ville que j’ai pu faire, c’est certain. Mais avec l’imagination et la positivité de l’enfance, la Suisse m’apparaissait comme un pays fantastique couvert de rêves rose poudré. Mon aventure couverte d’un grand inconnu commençait. J’étais très excitée à l’idée de suivre ma première leçon dans la classe d’accueil de Genève, en Suisse. Ma connaissance du français était nulle, tout comme ma connaissance de la culture des cours européens. Lorsque le professeur est entré dans la classe, je me suis levée. Les autres élèves me regardaient et ne comprenaient pas mon comportement. Le professeur m’a dit de m’asseoir d’un geste de la main.

    Un autre souvenir est celui d’un jour où je passais mon premier examen de mathématiques. Tout le monde avait une calculatrice, mais je n’en avais jamais utilisé de ma vie en Turquie ! Surtout lors d’un examen ? impossible ! Je n’avais pas de calculatrice. Et comme si cette carence ne suffisait pas, j’avais des difficultés dans le domaine où j’étais le meilleur à cause de la langue.

    Mon premier examen s’était soldé par un désastre… C’est grâce à cet examen que j’ai compris qu’il était temps de mettre fin à cette affaire. A l’examen suivant, j’avais appris un peu la langue et compris ce qu’il fallait faire à l’examen. J’ai terminé l’examen à une vitesse incroyable et j’ai obtenu la note maximale de 6.

    Mes amis étaient stupéfaits, mais pour moi, je devais surmonter le seul obstacle qui se dressait devant moi, la grande barrière de la langue. Bien sûr, ce n’était pas le seul problème : nous vivions dans un camp à l’époque, et il n’était pas facile pour ma famille de s’intégrer dans le camp, sans parler de mon propre espace d’étude. De temps en temps, je devais remettre en question mes rêves concernant la Suisse parce que je traversais un processus vraiment difficile. Après 5-6 mois de camping, nous avons finalement réussi à déménager dans un appartement. Mon apprentissage de la langue se poursuivait.

    Déménager dans un nouvel appartement a ajouté beaucoup de confort à ma vie. J’avais un tout nouvel espace de travail et une

    maison centrale.

    Mon école était à 40 minutes de mon camp et ma maison n’était qu’à 10 minutes à pied de mon école. Je pouvais enfin me concentrer sur ma propre capacité éducative et sur mes rêves. Oui, les jours passaient vite et la vie à Genève devenait chaque jour plus facile pour nous.

    Mon niveau de langue s’améliorait rapidement ; j’étais maintenant capable de parler et de comprendre tout facilement. Je commençais tout juste à réaliser à quel point Genève était spéciale pour moi et les opportunités qu’elle m’offrait. Pendant cette période, j’ai changé de professeur et de classe, mais la valeur et l’importance de ma professeure de maths étaient toujours différentes.

    Un jour, alors que je marchais dans les couloirs de l’école, je l’ai rencontrée, je suis allée vers elle et j’ai commencé à discuter avec elle en français. Je l’ai remerciée sincèrement pour le soutien qu’elle m’avait apporté et elle m’a dit : « Les phrases qu’elle a prononcées lors de la conversation avec ton père ce jour-là m’ont profondément touchée. A ce moment-là, j’ai senti dans mon coeur que je devais te soutenir ».

    Après deux ans d’enseignement des langues, mes professeurs ont été surpris par ma rapidité d’apprentissage et ma réussite en calcul. C’est ainsi que j’ai commencé le collège. J’ai choisi cette filière parce que j’excellais en maths et en physique et que

    j’aimais ça. Je suis maintenant en troisième année, je poursuis mes études avec beaucoup de zèle et je suis sûre que les chocs culturels et les changements de niveau de vie m’ont rendue mille fois plus forte. Je peux enfin voir mon avenir non pas à travers le brouillard, mais dans la lumière éclatante du soleil qui illumine mon chemin…

  • Voisinage

    Voisinage

    Importance des relations de voisinage dans la culture turque

    De nos jours, on pourrait penser que la vie en appartement, avec son nombre croissant de logements, le rythme de travail intense et la numérisation affaiblissent les relations de voisinage. Cependant, grâce aux liens culturels forts qui unissent la société turque, ces relations continuent d’être transmises de génération en génération et demeurent une part essentielle de notre quotidien.

    Pour nous, le voisinage signifie partager, s’entraider et se soutenir mutuellement dans les moments difficiles. Ces valeurs sont si importantes qu’elles nous maintiennent unis en tant que société. J’aimerais vous donner quelques exemples concrets de cette solidarité qui caractérise notre culture.

    Un accueil chaleureux dès votre arrivée

    Tout le monde peut ressentir de l’inquiétude lorsqu’il s’installe dans un nouvel endroit en raison de l’inconnu et de la solitude qui peuvent en découler. Si vous déménagez dans une ville en Turquie, vous avez de la chance. Dès que vos affaires commencent à être déchargées du camion, les voisins viennent vous saluer avec un “Bienvenue ! Avez-vous besoin d’aide ?”. Cette attention chaleureuse dissipe immédiatement la mélancolie et l’incertitude du déménagement.

    Ce type d’accueil chaleureux vous fait instantanément passer du statut d’étranger à celui d’un membre à part entière de la communauté, vous offrant un véritable sentiment d’appartenance.

    Le premier jour dans un nouveau foyer : la générosité des voisins

    Le premier jour d’installation est toujours très chargé. Il y a mille choses à faire : déballer les cartons, monter les meubles, ranger… Dans ces moments-là, il y aura toujours un voisin qui viendra frapper à votre porte avec du thé chaud et des collations préparées maison, vous permettant ainsi de reprendre des forces sans perdre de temps.

    Une autre tradition veut que l’on ne rende jamais une assiette vide. Quelques jours plus tard, lorsque vous serez installé, ce sera à votre tour de préparer une petite gourmandise et de rendre l’assiette avec votre propre préparation. Ainsi, dès les premiers jours, une belle relation se noue à travers ces échanges et cette hospitalité mutuelle.

    Le voisinage en Suisse : une chance inestimable

    Lorsque nous avons emménagé dans notre immeuble à Genève, nous avons eu la chance de rencontrer une famille turque vivant dans l’immeuble d’à côté. Très vite, nous avons tissé des liens étroits. Nos enfants ayant presque le même âge, cette proximité nous apporte de nombreux avantages, à la fois pour eux et pour nous.

    Le dimanche matin, si nous nous réveillons avec un beau soleil, nous nous disons “Et si on sortait ?”, et nous partons ensemble en randonnée ou faire un barbecue. S’il pleut, nous nous invitons mutuellement pour un café, partageant ainsi nos expériences et rechargeant notre énergie pour une nouvelle semaine.

    Un voisin, une ressource précieuse au quotidien

    Parfois, alors que nous préparons un gâteau avec les enfants, nous réalisons qu’il nous manque un peu de farine ou un oeuf. Que faire ? Bien sûr, nous allons frapper à la porte du voisin en demandant “Auriez-vous une tasse de farine ou un oeuf à nous prêter ?”. Dans ces situations, la valeur monétaire de l’objet prêté n’est jamais mentionnée.

    Dans notre culture, partager ce que l’on a est une source de joie pour les deux parties, et la générosité ne s’accompagne jamais d’une attente financière. Ni celui qui donne ne demande “Combien me donnerez-vous ?”, ni celui qui reçoit ne propose de payer. Cependant, une délicieuse odeur de gâteau embaumera la maison peu après, et en offrir quelques parts à votre voisin ne fera que renforcer cette belle amitié.

    Le voisinage, un trésor pour les enfants aussi

    Pour les enfants, les relations de voisinage sont synonymes de jeu et de complicité. Lorsqu’ils s’ennuient à la maison, ils peuvent simplement

    frapper à la porte d’un ami et demander “Est-ce que je peux venir jouer ?” ou “Je m’ennuie, tu veux jouer dehors avec moi ?”.

    Aucun rendez-vous préalable n’est nécessaire. Cette spontanéité et cette liberté rendent les jeux entre voisins bien plus amusants et naturels.

    Le voisin, un véritable “assurance” en cas de besoin

    En Turquie, beaucoup de gens laissent un double des clés de leur maison à un voisin de confiance. Cela ne sert pas seulement à arroser les plantes pendant une absence, mais aussi à garder un oeil sur la maison lors de longues périodes d’absence. Le voisin viendra de temps en temps ouvrir les fenêtres pour aérer les lieux, sans jamais attendre de rémunération en retour.

    C’est une forme de solidarité et de confiance mutuelle. Après quelques mois de relation avec nos voisins, nous avons également échangé un double de nos clés. Ainsi, lorsque nos enfants rentrent de l’école et réalisent qu’ils ont oublié leur clé, ils n’ont plus besoin d’attendre dehors. Ils peuvent soit rester chez nos voisins, soit récupérer le double de la clé et entrer tranquillement chez nous.

    Un soutien précieux en cas de maladie

    Les périodes de maladie sont particulièrement difficiles, surtout si l’on vit seul. Dans ces moments-là, se lever pour préparer un simple bol de soupe peut être épuisant. Heureusement, en Turquie, les voisins veillent les uns sur les autres.

    Lorsqu’un voisin est malade ou vient de subir une opération, les autres viennent lui rendre visite pour lui demander s’il a besoin d’aide. “Une visite courte est toujours la meilleure” dit un proverbe turc, donc ces visites ne durent généralement pas plus de 15-20 minutes, juste assez pour montrer au malade qu’il n’est pas seul. En guise de geste attentionné, on apporte souvent des fruits frais ou du lait pour l’aider à récupérer plus vite.

  • Au-Delà des Frontières L’Histoire d’un Réfugié Entre Espoir, Lutte et Renaissance

    Au-Delà des Frontières L’Histoire d’un Réfugié Entre Espoir, Lutte et Renaissance

    Bonjour. Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation et d’être notre invité aujourd’hui. Si vous le permettez, commençons par la première question :

    Quelles ont été les principales raisons qui vous ont poussé à quitter l’Afghanistan ?

    Comment avez-vous vécu ce processus ?

    Merci de m’accueillir. Je peux dire que j’ai dû quitter mon pays pour des raisons politiques. Bien sûr, c’était une décision difficile et un processus compliqué. Mais je n’avais pas d’autre choix.

    Le fait d’avoir dû quitter votre pays, comment cela a-t-il affecté votre vie ? Comment avez-vous vécu cette expérience de recommencer une nouvelle vie ?

    Après avoir quitté mon pays, j’ai rejoint un autre pays. Y recommencer ma vie à zéro, être éloigné de mon pays, et me dire que je ne pourrais jamais y retourner… Tout cela a été extrêmement difficile. Mais je n’avais pas d’autre choix. Je me suis dit à moi-même :

    “Je dois commencer une nouvelle vie ici.” C’était un processus très compliqué, mais avec l’aide de Dieu, j’ai essayé d’y faire face du mieux possible.

    Quelles difficultés votre famille a-t-elle rencontrées après le changement de régime, notamment en ce qui concerne l’éducation de vos frères et soeurs et les changements dans votre foyer ?

    Après le 15 août 2021, lorsque les Talibans ont repris le pouvoir, ma famille, qui est restée en Afghanistan, a été directement affectée par la situation. Mes frères et soeurs étaient étudiants en médecine à l’université publique. S’ils avaient pu poursuivre leurs études, aujourd’hui, ils seraient de jeunes médecins qualifiés, prêts à servir la société. Mais malheureusement, cela fait trois ans qu’ils sont contraints de rester à la maison, sans pouvoir poursuivre leur formation.

    Ma mère était enseignante dans un lycée pour filles. Mais comme les filles ne sont plus autorisées à aller à l’école, elle a automatiquement perdu son emploi et ne peut plus travailler. En d’autres termes, ma mère et mes frères et soeurs sont enfermés chez eux, sans aucune possibilité de mener une vie active. C’est une situation extrêmement difficile. Mon père était entrepreneur et dirigeait sa propre entreprise. Mais ces derniers temps, les Talibans ont imposé des règles très strictes aux commerçants et aux entrepreneurs. Mon père n’a pas pu s’adapter à ces nouvelles exigences et a donc été contraint de fermer son entreprise. Et il n’est pas le seul. Environ 90 % de ses collègues du même secteur ont également dû arrêter leurs activités. En résumé, cette situation a eu un impact très négatif et très lourd sur chaque membre de ma famille.

    En ce qui concerne votre mère et votre soeur, vous avez dit qu’elles avaient dû arrêter leurs études et leur travail après l’arrivée des Talibans. Est-ce uniquement dû à la fermeture des écoles, ou bien y a-t-il une politique générale interdisant aux femmes de travailler et de participer à la vie sociale ?

    Je dirais que c’est les deux. Les Talibans interdisent aux filles d’aller à l’école à partir de l’âge de 12 ou 13 ans, c’est-à-dire dès le collège.

    L’enseignement supérieur leur est également complètement interdit. De plus, même les femmes diplômées qui travaillaient sous le gouvernement précédent ont perdu leur emploi. Elles n’ont plus le droit de travailler. Leur vie sociale a aussi été drastiquement réduite. Par exemple, les femmes ne peuvent plus aller dans les parcs ou les centres commerciaux. Elles ne peuvent pas sortir sans être accompagnées par un homme de leur famille. Elles ne peuvent pas prendre un taxi seules, ni voyager d’une ville à l’autre ou à l’étranger. Selon la vision des Talibans, les femmes doivent rester à la maison, ne pas sortir, ne pas parler aux hommes, ne pas travailler et ne pas étudier.

    Lorsque vous viviez en Afghanistan, quelles étaient les principales difficultés du quotidien ? Quel a été l’élément déclencheur qui vous a poussé à partir ?

    J’avais un emploi en Afghanistan, et c’était un travail difficile. Mais malgré tout, j’étais motivé, passionné et animé par un profond amour pour mon pays. Ce qui me donnait de la force, c’était de voir que les femmes pouvaient travailler, que les filles pouvaient aller à l’école, que chacun pouvait vivre librement et en paix. Cela me motivait énormément. Malgré la difficulté et la dangerosité de mon travail, cela me donnait envie de continuer. Mais un jour, ma propre vie a été menacée. Je devais partir.

    Vous êtes arrivé en Suisse et vous vivez maintenant à Genève. Comment s’est passée votre adaptation ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ?

    Comme je l’ai dit, s’installer dans un nouveau pays et recommencer à zéro, c’est un processus extrêmement difficile. Être séparé de ses amis, de son pays, de sa culture… Tout cela n’est pas facile. Au début, j’ai vécu des moments très difficiles.

    La solitude, la barrière culturelle et surtout la barrière linguistique… Mais je me suis dit : “Si tu continues à penser comme ça, tu ne pourras jamais trouver ta place ici.” Alors j’ai décidé d’être fort et d’avancer. Je n’avais pas le choix, parce que ma famille compte sur moi et je suis leur dernier espoir. C’est cette motivation qui m’a donné la force de continuer. J’ai donc commencé par apprendre la langue. Car sans cela, l’intégration est presque impossible.

    Nous avons observé que vous avez énormément progressé dans l’apprentissage des langues.

    Dieu merci, aujourd’hui je peux m’exprimer et me faire comprendre. J’ai appris la langue, j’ai trouvé un travail, je fais du bénévolat, je fais du sport et j’ai rencontré de nouvelles personnes. Je suis libre et en sécurité. Mais parfois, quand je pense à ma famille, et surtout à mes frères et soeurs, j’ai du mal à contenir mes émotions.

    Si je reste constamment plongé dans ces pensées, je risque de me perdre moi-même. C’est pourquoi j’essaie de garder un équilibre entre ces émotions. Parfois, je suis heureux, parfois je suis inquiet, parfois je ressens de la paix. Récemment, il m’est arrivé quelque chose d’étrange. Je voulais regarder quelque chose sur Google Maps, alors j’ai cherché ma ville natale. Pendant quelques minutes, j’ai eu l’impression d’être encore là-bas, comme si je vivais encore sous le régime des Talibans. C’était une sensation si forte que j’ai immédiatement fermé l’application. Je n’ai même pas pu supporter deux ou trois minutes cette idée. Mais c’est mon pays. C’est ma ville. C’est ma culture. C’est ma religion. Et pourtant, aujourd’hui, à cause de ce régime, je ne peux même pas imaginer y être. Ce jour-là, j’étais complètement abattu. Je me suis dit : “Que Dieu aide mes frères et soeurs, ma famille et tout le peuple afghan.” Parce que c’est une souffrance indescriptible.

    En ce moment, vous êtes loin de votre pays. Alors, d’un point de vue culturel et identitaire, comment vivez-vous le fait d’être en quête d’un équilibre entre votre culture d’origine et celle de votre pays d’accueil ? Comment percevez-vous votre intégration dans cette nouvelle culture ?

    C’est une très bonne question. En réalité, il existe d’énormes différences entre la culture afghane et la culture suisse. Mais je crois profondément que toutes les cultures ont à la fois des aspects positifs et négatifs. J’essaie donc de laisser de côté les aspects négatifs de ma propre culture, tout en conservant et en développant ses côtés positifs. J’adopte la même approche vis-à-vis de la culture suisse. Pour s’intégrer, il faut forcément s’immerger un peu dans cette culture. Mais cela ne signifie pas que l’on doit tout accepter sans distinction.

    J’essaie d’intégrer les aspects positifs de la culture suisse dans ma vie, tout en gardant mes distances avec ce que je considère comme négatif. En fin de compte, mon objectif est de créer une synthèse en prenant des éléments de différentes cultures, tout en restant fidèle à mes croyances et à mon mode de vie.

    Qu’est-ce qui vous a motivé tout au long de votre processus d’intégration ?

    Sans motivation, il est très difficile d’avancer. Pour moi, ma famille a été ma plus grande source de motivation. Mais c’est un sentiment paradoxal… Parce que ma famille est aussi la source de ma tristesse et de mon chagrin. Quand je pense à eux, cela me donne de la force, mais en même temps, cela me rend profondément triste. Mais je crois que ce n’est pas une mauvaise chose. Au contraire, c’est même très beau. Car s’inquiéter pour ses proches, penser à leur avenir, se soucier d’eux… C’est aussi une belle preuve d’amour. Si j’étais resté en Afghanistan, et que ma famille n’était pas là, peut-être que je n’aurais pas autant cherché à m’intégrer. Mais en pensant à eux, en réalisant que je suis leur dernier espoir, je me suis dit : “Je dois avancer, non seulement pour moi, mais aussi pour eux.” Cette pensée m’a donné de la force et de l’énergie. Ma famille est tout pour moi.

    Revenons à l’Afghanistan.

    Vous avez vécu une expérience bouleversante, notamment avec le changement de régime. Vous avez observé ce processus à la fois à travers votre propre vie, mais aussi à travers celle de votre famille et de votre entourage. Comment ce changement a-t-il affecté les vies individuelles ?

    Comme disent les Français, “C’est une catastrophe.” Ce changement de régime a eu un impact profondément négatif sur moi, ma famille et l’ensemble du peuple afghan. Les conséquences pour le pays sont immenses. Des professeurs, des médecins, des ingénieurs, des personnes hautement qualifiées et talentueuses ont été forcées de partir. Aujourd’hui, elles travaillent en Europe, aux États-Unis ou ailleurs, et elles contribuent à renforcer et à développer ces pays. Mais l’Afghanistan, lui, a perdu ses cerveaux, son potentiel, son avenir. Un pays sans éducation est un pays qui ne peut pas avancer. Aujourd’hui, la moitié de la société afghane est privée d’éducation. Le pays est bloqué. Et au-delà de l’éducation,ce changement de régime a eu un impact dévastateur sur chaque individu. Dans tous les domaines, les conséquences sont dramatiques. Avant l’arrivée des Talibans, beaucoup d’Afghans ne voulaient pas quitter leur pays, même si on leur proposait de l’or. Ils se disaient : “C’est notre pays, nous sommes en sécurité, nous sommes libres, nous pouvons vivre ici.” Ils voulaient rester et aider à bâtir leur nation. Mais aujourd’hui, dès qu’ils trouvent une occasion de partir, ils n’hésitent plus une seconde. Même s’ils aiment profondément leur pays, il n’est plus possible d’y vivre dans de telles conditions.

    Si un jour, l’Afghanistan devenait un pays stable et sûr, envisageriez-vous d’y retourner ?

    Aujourd’hui, ma vie est en danger si je retourne en Afghanistan. Comme moi, des milliers de personnes ne peuvent pas rentrer.

    Mais si le régime change, si un gouvernement stable et sécurisé est mis en place, je rentrerai sans hésiter. Bien sûr, nous devrons recommencer à zéro. Mais au moins, nous serons en sécurité et ensemble. Peut-être que nous ne verrons pas ces jours meilleurs de notre vivant, car reconstruire un pays prendra des années, voire des générations. Mais peu importe. Nous ferons notre part. Nous ferons tout notre possible. L’essentiel, c’est que nos enfants, nos petits-enfants et les générations futures puissent voir des jours meilleurs.

    Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous rend heureux ? Et quel est votre plus grand rêve pour l’avenir?

    Honnêtement, il n’y a rien dans ma vie aujourd’hui qui me rend profondément heureux. Car mon pays et ma famille sont toujours dans un coin de mon esprit. Bien sûr, j’ai un travail, je fais du sport, j’aime ce que je fais. Être libre et en sécurité me fait du bien. Mais ce n’est pas le bonheur que j’ai en tête. Ce sont de petits moments de joie, des éléments qui m’aident à tenir, qui me permettent de garder ma motivation. Mais dès que je pense à ma famille, à mon pays, à ce qui s’y passe, je ressens une profonde tristesse. Alors j’essaie de garder un équilibre, de ne pas sombrer dans le négatif. Si je devais parler de mon rêve le plus cher, je dirais que mon plus grand souhait est que mon pays soit libre et en paix. Que les filles et les femmes puissent travailler et étudier librement. Si ce rêve devient réalité, je n’aurai plus rien à demander à Dieu. Ce serait le plus beau cadeau que la vie puisse m’offrir.

    Merci infiniment de nous avoir accordé du temps et partagé votre histoire. Nous sommes très reconnaissants au nom de notre magazine. C’est moi qui vous remercie. Je suis heureux d’avoir pu partager mon expérience avec vous. J’espère qu’en racontant mon histoire, je pourrai, ne serait-ce qu’un peu, contribuer à la réalisation de mon rêve.

  • Maison de Quartier: Le Pilier de la Solidarité Sociale et de l’Intégration

    Maison de Quartier: Le Pilier de la Solidarité Sociale et de l’Intégration

    Qu’est-ce qu’une Maison de Quartier ?

    Le terme “Maison de Quartier”, d’origine française, désigne des espaces communautaires ou des centres de quartier. Apparu au milieu du XXe siècle, ce concept a été conçu pour renforcer la solidarité sociale, tisser des liens entre les individus et répondre aux enjeux sociaux au niveau local. Initialement créées pour prévenir l’isolement dans les zones confrontées à des problèmes sociaux majeurs et encourager une participation active à la vie sociale, ces structures servent aujourd’hui de points de soutien et de solidarité tant pour les habitants locaux que pour les populations migrantes et réfugiées.

    Le Contexte Historique: Comment Ont-elles Émergé?

    Les racines du modèle de Maison de Quartier remontent aux débuts du XXe siècle, période de forte industrialisation et d’urbanisation. Dans de nombreuses régions européennes, l’urbanisation a affaibli les liens sociaux et provoqué l’anonymat des habitants. Face à ce phénomène, l’idée de créer des centres communautaires pour revitaliser la solidarité de quartier a émergé. Les premières initiatives ont vu le jour dans les années 1940 et 1950 en France et en Suisse, avant de se répandre dans toute l’Europe. À Genève, les maisons de quartier ont joué un rôle précurseur en matière de participation sociale et de gestion démocratique. Ces structures offraient un cadre flexible, modulable selon les besoins spécifiques du quartier, où les habitants participaient activement à la gestion.

    Les Maisons de Quartier en Suisse et en Europe La Situation en Suisse

    Genève est l’une des villes où le modèle de Maison de Quartier est le plus développé, avec près de 30 maisons de quartier réparties dans la ville. Ce type de centre existe également dans d’autres cantons suisses. Par exemple :

    • À Zurich, des centres communautaires appelés Gemeinschaftszentren sont présents.

    • À Lausanne, les centres socioculturels soutiennent des activités éducatives, culturelles et sportives.

    • À Bâle et à Berne, ces centres offrent une aide précieuse aux communautés migrantes en matière d’apprentissage des langues et d’intégration.

    Des Modèles Similaires en Europe

    Dans de nombreux pays européens, des structures similaires aux maisons de quartier existent sous différents noms :

    • France : Les centres socioculturels jouent un rôle clé dans la promotion de la solidarité sociale et l’organisation d’activités culturelles.

    • Allemagne : Les maisons de quartier appelées Bürgerhaus ou Nachbarschaftshaus soutiennent notamment l’intégration des migrants.

    • Royaume-Uni : Les community centers sont des espaces dédiés à la lutte contre l’isolement social et à l’organisation d’initiatives de solidarité de quartier.

    • Pays Scandinaves : Les Kulturhus se distinguent par leurs activités centrées sur la culture et l’art.

    L’Intégration des Migrants et Réfugiés : Comment les Maisons de Quartier Peuvent-elles Être Utilisées de Manière Plus Efficace ?

    Les populations migrantes et réfugiées rencontrent souvent des obstacles liés à l’isolement social, aux barrières linguistiques et aux difficultés économiques durant leur processus d’intégration. Les maisons de quartier peuvent constituer une réponse efficace à ces enjeux, mais leur potentiel doit être pleinement exploité. Voici quelques pistes :

    – Programmes de Langue et de Formation Culturelle

    La langue est un élément fondamental de l’intégration. Des cours de langue réguliers et des ateliers culturels peuvent être organisés dans les maisons de quartier. En outre, des événements culturels réunissant les habitants locaux et les migrants peuvent favoriser la compréhension mutuelle.

    – Soutien à l’Emploi et à la Formation

    Des programmes de formation professionnelle, des ateliers de préparation de CV et des projets de mentorat peuvent être mis en place pour aider les migrants et réfugiés dans leur recherche d’emploi, accélérant ainsi leur intégration économique.

    – Activités pour les Enfants et les Jeunes

    Les enfants de migrants peuvent avoir des difficultés à s’adapter à une nouvelle société. Les maisons de quartier peuvent organiser des activités sportives, artistiques et éducatives pour les aider dans leur processus d’adaptation.

    – Bénévolat et Service Communautaire

    Encourager les migrants à s’engager dans des projets de bénévolat au niveau local permet de favoriser leur inclusion tout en réduisant les préjugés existants au sein de la communauté.

    – Espaces Sécurisés et Participatifs

    Les maisons de quartier doivent être gérées de manière à inclure les migrants et réfugiés dans les processus décisionnels. Cela renforce l’inclusivité sociale et, par le biais de programmes de soutien psychosocial et de services de conseil, permet à ces populations de se sentir plus en sécurité.

    Exemples d’Initiatives Inspirantes

    • Maison de Quartier des Pâquis (Genève) : Connue pour son soutien linguistique et ses activités culturelles à destination des communautés migrantes.

    • Bürgerhaus Oststadt (Allemagne) : Un modèle exemplaire de création de ponts entre la population locale et les migrants.

    • Centre Socioculturel de Roubaix (France) : Se distingue par ses actions de soutien à l’éducation et à l’emploi.

    Conclusion

    Les maisons de quartier ne sont pas seulement des centres sociaux, mais aussi des outils d’intégration essentiels pour renforcer la cohésion sociale. L’inclusion des migrants et réfugiés dans la société contribue à améliorer l’harmonie sociale et à cultiver une culture de solidarité. Une gestion plus inclusive et active de ces structures pourrait apporter une contribution précieuse aux efforts d’intégration à travers l’Europe.

  • L’integration est un cheminement

    L’integration est un cheminement

    Je m’appelle Irène Raoelison et je suis originaire de Madagascar, la grande île de l’Océan Indien. Je suis arrivée en Suisse en 2016, dans le canton de Fribourg, pour donner suite à une formation que j’ai suivie en Afrique et en Europe. Je suis retournée quelques mois dans mon pays avant de repartir pour Genève en 2017. L’obtention du visa d’entrée sur le sol helvétique n’était pas facile. J’ai dû faire un recours à la suite d’une réponse négative à ma première demande auprès de l’ambassade suisse à Madagascar. Il me fallait de la résilience et beaucoup de persévérance dans mes démarches. En ce qui concerne la langue, venant d’un pays francophone et ayant appris le français depuis l’enfance, je n’ai pas de difficulté pour la communication. D’ailleurs, j’ai pu poursuivre sereinement mes études universitaires. Il me fallait toutefois m’informer au fil du temps sur la langue et la culture suisses. En effet, même si nous sommes francophones, il existe des différences dans le vocabulaire, le sens et le poids des mots, la vision du monde…

    Il m’arrivait de ne pas comprendre les explications de mes professeurs à l’université lorsqu’ils évoquaient des éléments culturels qui m’échappaient. Je posais alors des questions soit aux professeurs eux-mêmes, soit aux autres étudiants, soit aux personnes de mon entourage. Je lisais beaucoup aussi.

    La bonne curiosité, le courage de poser des questions, le sens du dialogue et de l’échange nous aident à mieux comprendre l’autre. Pour la question de la langue qui facilite les interactions sociales et l’intégration, il existe plusieurs possibilités d’apprentissage du français pour les non francophones à Genève, à travers des structures cantonales et des associations.

    Pour ce qui est de l’intégration professionnelle, pour moi qui suis originaire d’un pays non européen, le défi n’a pas été facile à relever. À la fin de mes études, ce n’était pas évident de trouver tout de suite un travail. D’ailleurs, j’ai dû patienter quelques mois avant d’y arriver. Ma chance a été que j’ai suivi des études dans un domaine assez spécifique et que mon parcours de vie m’a aidé à développer certaines compétences nécessaires dans mon métier actuel. Ce qui est bien à Genève et dans différentes régions de la Suisse, c’est la possibilité pour les personnes, locales et étrangères de bénéficier de conseils, voire de programmes d’insertion professionnelle. Puis, différentes structures comme le pôle emploi à l’université et certaines associations offrent des services d’aide à la recherche d’emploi et des conseils en matière de rédaction de CV et de préparation aux entretiens d’embauche.

    Quant à la vie dans le contexte genevois, là où j’avais besoin de fournir un effort était, entre autres, dans mon rapport au temps. J’ai grandi loin de la ponctualité suisse puisque je viens du pays du « moramora » (avançons tranquillement) où le temps nous appartient, nous avons le temps. Il me fallait trouver les moyens, comme le réveil le matin ou même le long de la journée pour mieux respecter la culture de la ponctualité et précision helvétique. Un autre défi que j’ai dû surmonter concerne la compréhension de certains systèmes comme le système d’assurance. Je n’avais pas cette culture des assurances aux primes élevées dans mon pays. C’est à travers une amie jurassienne que j’ai mieux capté et compris la logique de solidarité qu’on peut trouver dans le système d’assurance helvétique. Un autre élément que j’ai appris au fil du temps est l’importance de ne pas faire des comparaisons. Je ne peux pas comparer les réalités que je trouve ici avec celles qui existent dans mon pays d’origine.

    Certes, je garde aussi le lien avec Madagascar à travers ma famille et mes amis qui me partagent les nouvelles du pays. Je garde également mes manières d’être malgache, j’écoute la musique du pays, je continue à manger du riz tout en appréciant la gastronomie, la cuisine d’ici… J’ai rejoint un groupe de la diaspora de mon île natale avec laquelle il me semble souvent de me retrouver en famille. Même si les ressortissants de Madagascar ne sont pas si nombreux en Suisse, j’étais vraiment contente de trouver ce groupe et de passer des moments avec eux quand je peux. Entre temps, j’ai trouvé une communauté suisse avec laquelle je continue à grandir sur mon chemin de foi, un aspect important pour moi. Puis je participe autant que possible aux différentes activités sociales et culturelles de la ville de Genève qui me permettent à la fois de connaître les réalités de la population d’ici et d’élargir le cercle d’amis. Des conférences aux rencontres culturelles et festivals, de l’escalade à la fête nationale, sans oublier les activités de solidarité comme le samedi du partage.

    Au-delà d’un climat qui semble parfois être froid, j’ai toujours apprécié l’esprit d’entraide et de solidarité à Genève ainsi que la forte diversité culturelle trouvée ici qui élargit le coeur et l’esprit. A travers les initiatives de ses citoyens, j’ai découvert Genève en tant que ville prônant l’inclusion et la diversité par différents moyens. J’ai remarqué qu’il existe de nombreuses structures offrant un accueil chaleureux aux nouveaux venus, quel que soit leur statut. Bien évidemment, l’intégration peut aussi dépendre des liens sociaux que chacun parvient à tisser avec la population et c’est pour cela que j’encourage la participation aux différents événements. Dans le quotidien, il y a toujours des défis à relever, mais il existe également une multitude de ressources et de possibilités pour faciliter l’intégration dans cette ville de la paix et de la fraternité.

  • Rencontre à l’aéroport avec des requérants d’asile

    Rencontre à l’aéroport avec des requérants d’asile

    L’Agora (Aumônerie Genevoise Oecuménique auprès des Requérants d’asile et des Réfugiés) est présente au centre fédéral à l’aéroport de Genève.

    Les personnes arrivant en avion et qui font une demande d’asile sont retenues pour la procédure dans un petit bâtiment dans l’enceinte de l’aéroport. Le temps de la procédure à l’aéroport est limité à 60 jours, si dans ce temps une décision n’est pas prise par le SEM (Secrétariat d’État aux Migrations), la personne entre en Suisse.

    J’y vais à la rencontre des personnes qui ont demandé l’asile, que je ne connais pas et je ne sais pas quelle langue elles parlent. Elles sont souvent angoissées et stressées, quand elles doivent raconter pour leur procédure la raison de leur venue, cela fait remonter des mauvais souvenirs. Je demande alors à Dieu de m’aider a trouver les bons gestes et paroles.

    Quelques rencontres qui m’ont marquée

    L’été passé, un monsieur des Comores est resté 5 mois dans ces lieux. Après la réponse négative de sa demande d’asile, le document nécessaire pour le renvoi a pris un temps énorme avant d’arriver.

    J’ai partagé avec lui le début et la fin du ramadan, son anniversaire et le premier août (Fête nationale suisse). Nous avons eu beaucoup de partages sur les religions, la vie et son avenir.

    Je n’oublierai jamais le sort d’une jeune fille de Guinée ! Avec l’aide de sa mère elle s’est enfuie d’un mariage forcé avec un vieux monsieur. En audition avec le SEM elle a montré la photo du mariage. Dans la réponse du SEM, il était écrit : « qui nous prouve que sur la photo ce n’est pas votre grand père ».

    Elle a reçu une réponse négative de sa demande d’asile. Elle a été renvoyée avec force à Casablanca d’où elle avait pris l’avion. J’ai été en contact avec sa mère, qui n’a plus eu de nouvelle de sa fille.

    J’ai rencontré Emmanuel recroquevillé et apeuré dans un coin. Cela faisait trois jours qu’il était à l’aéroport de Genève, lieu où il a déposé une demande d’asile. Je me présente et lui demande ce qui fait qu’il est dans cet état. Emmanuel me dit : « ici,ils ne veulent pas croire que je suis mineur .»

    Il m’a raconté une partie de ce qu’il a vécu dans son pays et m’a montré les horribles marques de torture qu’il a subies. Dans son pays, le Congo Kinshasa, il était accusé d’être un sorcier. Il se sentait perdu et abandonné. Nous avons partagé et prié ensemble.

    Nous avons pris contact avec la personne qui est venue à son secours et qui l’a aidé à partir pour échapper à l’enfer. J’ai reçu son acte de naissance et son carnet scolaire qui prouvaient qu’il était bien mineur. Nous avons transmis ces documents à la juriste de Caritas qui suivait Emmanuel. La juriste, qui elle aussi ne croyait pas qu’il était mineur, m’a fortement remerciée.

    Trois mois plus tard, Emmanuel m’a appelé. « J’ai une bonne nouvelle, j’ai reçu l’asile et un permis B. » Quelle bonne nouvelle !

    Monsieur Mbuyeh venait d’un village anglophone du Cameroun où l’armée a tué les habitants et brûlé les maisons.

    A ce moment-là, lui ne se trouvait pas au village. En rentrant, monsieur Mbuyeh a trouvé sa famille décimée. (il m’a montré une vieille Bible en disant : « c’est la seule chose qui me reste de mon père »). Il a été arrêté et mis en prison.

    Pendant sa détention, il s’est fait régulièrement violer par un gardien de prison. Ce même gardien qui transportait les détenus pour les exécuter, l’a jeté hors du véhicule, pour qu’il s’enfuit. Le médecin qu’il a vu a l’aéroport de Genève a dit que monsieur Mbuyeh devrait être pris en charge par des spécialistes.

    Pendant le temps où monsieur Mbuyeh séjournait à l’aéroport pour sa première audition, il souffrait beaucoup!

    Chaque rencontre est unique et nous enrichit mutuellement. En écoutant et accompagnant la personne en détresse, je demande la présence de Dieu. Car Jésus nous à dit : « là où il y a des personnes réunies en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Je garde la personne rencontrée dans mes prières. Les contacts avec les personnes rencontrées à l’aéroport continuent souvent après leur entrée en Suisse, même avec certains renvoyés dans leur pays.

  • Le voyage d’un photographe à la découverte

    Le voyage d’un photographe à la découverte

    J’avais commencé une nouvelle vie à Genève. Un nouveau pays, une nouvelle ville, une nouvelle géographie ; tant de cultures différentes et d’innombrables lieux à découvrir… Beaucoup d’endroits ici m’étaient complètement inconnus. Grâce à mes observations mêlées à la photographie, j’avais déjà entamé l’exploration de cette découverte. La ville allait se réaliser entièrement à travers mon regard. Je voulais que, lorsqu’ils regardent mes photos, les gens aient l’occasion de redécouvrir Genève à travers mes yeux.

    Chaque édifice de Genève portait une signification différente et particulière pour moi. En particulier, l’imposant bâtiment situé au milieu du Rhône, autrefois utilisé comme centrale hydraulique, avait attiré mon attention, tout comme celle de beaucoup d’autres. Mes recherches ont révélé que le Bâtiment des Forces Motrices (BFM) avait été construit entre 1883 et 1892 par l’ingénieur et homme politique Théodore Turrettini pour répondre aux besoins en eau de Genève et fournir de l’énergie hydraulique.

    La soupape de décharge, installée à côté du bâtiment pour prévenir les surpressions dans le système hydraulique, a également permis la création de la première version du célèbre Jet d’Eau de Genève.

    En 1988, le BFM a été classé monument historique et, en 1997, il a été transformé en un opéra et une salle de concert. Aujourd’hui, ce lieu, connu sous le nom de Bâtiment des Forces Motrices, est un espace ouvert au public, dédié aux événements culturels et aux activités artistiques.

    Ce bâtiment est réellement un sujet d’intérêt pour tous les photographes. Avec son reflet sur l’eau, sa position majestueuse sur le lac et sa grandeur, il possède une architecture remarquable. J’avais vu et examiné de nombreuses photos de cet édifice. Finalement, j’ai décidé de le photographier selon ma propre perspective. J’ai pris de nombreuses photos à différents moments et sous divers angles.

    Jusqu’à ce matin du 25 décembre 2020… Ce matin-là, c’était une journée très spéciale pour moi. En cette période où le temps était particulièrement froid, je devais agir rapidement pour me rendre à l’endroit que j’avais prévu pour ma séance photo. Il n’y avait qu’un seul moyen de transport, et je ne devais pas le manquer, car c’était le seul qui pouvait m’amener jusqu’au tramway. Heureusement, tout s’est déroulé comme prévu : d’abord en bus jusqu’au tramway, puis en tramway jusqu’au lieu où se trouvait le bâtiment. En arrivant, j’ai été complètement émerveillé par le paysage qui s’offrait à moi. L’air était totalement calme ; il n’y avait presque pas de vent, et le Rhône ressemblait à un lac calme et immobile. Pas une seule vague à l’horizon. Les nuages dans le ciel, mêlés aux nuances de bleu, créaient une atmosphère extraordinaire. J’ai eu la chance de capturer ces

    moments uniques. Sans perdre de temps, j’ai réglé mon trépied et mon appareil photo et, utilisant la technique de la longue exposition, j’ai pris plusieurs clichés sous différents angles avant que l’heure dorée ne soit passée. Les magnifiques teintes du ciel se reflétaient sur la surface calme de l’eau, fusionnant avec la silhouette impressionnante du bâtiment. Cette harmonie entre le ciel et l’eau offrait une vue spectaculaire, rendant cette séance photo vraiment inoubliable pour moi.

    Tout était en ma faveur, et j’ai pu réaliser mes prises de vue sans aucun accroc. Les résultats étaient vraiment magnifiques ; c’était presque un miracle pour moi. Avec le temps, j’ai appris à apprécier encore plus la valeur de ces photos. Chacune d’elles est d’une netteté impressionnante, avec des reflets parfaits et une qualité qui me satisfait pleinement. Je suis vraiment reconnaissant pour cette expérience.

    J’espère que vous les apprécierez également. Je vous souhaite une agréable découverte. D’ici notre prochaine rencontre photographique, je vous souhaite à tous beaucoup de bonheur.