En raison de la profession de mon père, j’ai dû voyager constamment et vivre une sorte de nomadisme tout au long de ma vie en Turquie. Cette vie m’a permis de rencontrer de nombreuses personnes et de faire face à de nombreuses personnalités aux caractéristiques différentes. J’ai changé d’école quatre ou cinq fois… Ce fut un processus difficile pour moi et ma famille, ainsi que pour mon père, mais je n’ai changé de pays qu’à l’âge de 17 ans. Il est intéressant de constater que je ressens certains problèmes d’horizon comme une source d’inspiration dans mon coeur. Et une fois, de la même manière, très confiante, parlant à mes amis après un cours d’éducation physique (j’avais 15 ans à l’époque), je leur ai dit : « Je vais aller à l’étranger, je vais vivre là-bas, je vais étudier là-bas » Je me souviens très clairement (parce que de tels événements ne me font généralement pas renoncer à mes rêves, ils ne font que me renforcer), l’un de mes amis s’est moqué de moi et a dit sarcastiquement : « Exactement, même regarde ! Ton avion décolle ! » … A cette époque, nous n’avions pas prévu de partir à l’étranger. Mais cela semblait être dans mon coeur. Je n’avais aucun doute sur le fait qu’Allah me soutiendrait complètement dans cette voie.
Et nous sommes en 2021, au mois de mars. Mon avion décollait pour la Suisse, comme l’avait dit mon ami. Ce ne sera pas comme tous les changements de ville que j’ai pu faire, c’est certain. Mais avec l’imagination et la positivité de l’enfance, la Suisse m’apparaissait comme un pays fantastique couvert de rêves rose poudré. Mon aventure couverte d’un grand inconnu commençait. J’étais très excitée à l’idée de suivre ma première leçon dans la classe d’accueil de Genève, en Suisse. Ma connaissance du français était nulle, tout comme ma connaissance de la culture des cours européens. Lorsque le professeur est entré dans la classe, je me suis levée. Les autres élèves me regardaient et ne comprenaient pas mon comportement. Le professeur m’a dit de m’asseoir d’un geste de la main.
Un autre souvenir est celui d’un jour où je passais mon premier examen de mathématiques. Tout le monde avait une calculatrice, mais je n’en avais jamais utilisé de ma vie en Turquie ! Surtout lors d’un examen ? impossible ! Je n’avais pas de calculatrice. Et comme si cette carence ne suffisait pas, j’avais des difficultés dans le domaine où j’étais le meilleur à cause de la langue.
Mon premier examen s’était soldé par un désastre… C’est grâce à cet examen que j’ai compris qu’il était temps de mettre fin à cette affaire. A l’examen suivant, j’avais appris un peu la langue et compris ce qu’il fallait faire à l’examen. J’ai terminé l’examen à une vitesse incroyable et j’ai obtenu la note maximale de 6.
Mes amis étaient stupéfaits, mais pour moi, je devais surmonter le seul obstacle qui se dressait devant moi, la grande barrière de la langue. Bien sûr, ce n’était pas le seul problème : nous vivions dans un camp à l’époque, et il n’était pas facile pour ma famille de s’intégrer dans le camp, sans parler de mon propre espace d’étude. De temps en temps, je devais remettre en question mes rêves concernant la Suisse parce que je traversais un processus vraiment difficile. Après 5-6 mois de camping, nous avons finalement réussi à déménager dans un appartement. Mon apprentissage de la langue se poursuivait.
Déménager dans un nouvel appartement a ajouté beaucoup de confort à ma vie. J’avais un tout nouvel espace de travail et une
maison centrale.
Mon école était à 40 minutes de mon camp et ma maison n’était qu’à 10 minutes à pied de mon école. Je pouvais enfin me concentrer sur ma propre capacité éducative et sur mes rêves. Oui, les jours passaient vite et la vie à Genève devenait chaque jour plus facile pour nous.
Mon niveau de langue s’améliorait rapidement ; j’étais maintenant capable de parler et de comprendre tout facilement. Je commençais tout juste à réaliser à quel point Genève était spéciale pour moi et les opportunités qu’elle m’offrait. Pendant cette période, j’ai changé de professeur et de classe, mais la valeur et l’importance de ma professeure de maths étaient toujours différentes.
Un jour, alors que je marchais dans les couloirs de l’école, je l’ai rencontrée, je suis allée vers elle et j’ai commencé à discuter avec elle en français. Je l’ai remerciée sincèrement pour le soutien qu’elle m’avait apporté et elle m’a dit : « Les phrases qu’elle a prononcées lors de la conversation avec ton père ce jour-là m’ont profondément touchée. A ce moment-là, j’ai senti dans mon coeur que je devais te soutenir ».
Après deux ans d’enseignement des langues, mes professeurs ont été surpris par ma rapidité d’apprentissage et ma réussite en calcul. C’est ainsi que j’ai commencé le collège. J’ai choisi cette filière parce que j’excellais en maths et en physique et que
j’aimais ça. Je suis maintenant en troisième année, je poursuis mes études avec beaucoup de zèle et je suis sûre que les chocs culturels et les changements de niveau de vie m’ont rendue mille fois plus forte. Je peux enfin voir mon avenir non pas à travers le brouillard, mais dans la lumière éclatante du soleil qui illumine mon chemin…
Au cours des 20 dernières années, le phénomène migratoire a évolué de manière complexe, alimenté par des facteurs tels que le changement climatique, les conflits, les crises humanitaires et les défis liés au développement. Cette dynamique englobe non seulement la migration régulière, mais aussi la migration irrégulière et les processus d’asile, ainsi que les déplacements internes, qui dans des régions comme l’Amérique latine, l’Afrique, l’Asie et le Asie occidentale, façonnent des réalités diverses et souvent critiques.
En Amérique latine, la crise vénézuélienne a déclenché un exode sans précédent, avec plus de 7 millions de Vénézuéliens se déplaçant, dont beaucoup en tant que réfugiés ou demandeurs d’asile. De même, les déplacements internes sont une problématique constante : on estime qu’en Amérique latine, environ 6,5 millions de personnes ont été déplacées en raison des conflits et des catastrophes naturelles. En Afrique, le nombre de déplacés internes dépasse les 21 millions , tandis qu’en Asie et au Asie occidentale, les conflits prolongés ont généré plus de 20 millions de déplacés, dont plus de 6,2 millions en Syrie et près de 3,5 millions en Afghanistan. De plus, on estime que la migration irrégulière représente environ 15 % des flux migratoires mondiaux, et au niveau mondial, en 2023, il est estimé qu’il existe près de 6,7 millions de demandeurs de réfugiés, de requérants d’asile et de personnes ayant besoin d’une forme de protection internationale.
Transferts de fonds et leur impact
Les transferts de fonds constituent un élément vital de l’économie de nombreuses familles, agissant comme un mécanisme de solidarité et de stabilité. En 2022, les transferts mondiaux ont atteint plus de 650 milliards de dollars, ce qui démontre la capacité des migrants à soutenir leurs communautés à distance.
La Banque mondiale estime qu’en 2024, comme indiqué dans le rapport, l’Inde sera le principal récepteur de transferts, avec un flux estimé à 129 milliards de dollars. Viennent ensuite le Mexique avec 68 milliards, la Chine avec 48 milliards, les Philippines avec 40 milliards et le Pakistan avec 33 milliards. Dans les économies plus petites, les transferts représentent une part significative du Produit intérieur brut, soulignant leur importance dans le financement de la balance des paiements courants et la couverture des déficits budgétaires. Dans ce contexte, le Tadjikistan dépend de ces transferts pour 45 % de son PIB, tandis que les Tonga atteignent 38 %, le Nicaragua et le Liban 27 % chacun, et les Samoa 26 % .
Marchés du travail, commerce et déportations
La migration, qu’elle soit régulière ou irrégulière, agit comme un pont dans la configuration de marchés du travail dynamiques. En Asie, les travailleurs migrants provenant de pays comme les Philippines et l’Inde ont été essentiels dans des secteurs tels que la santé, la technologie et la construction, facilitant le transfert de connaissances et la création de réseaux commerciaux qui renforcent l’innovation et la compétitivité. En Asie occidentale, des pays comme le Qatar et les Émirats arabes unis ont connu une transformation de leurs marchés du travail grâce à l’arrivée de travailleurs de diverses origines, ce qui a permis le développement d’infrastructures et de services essentiels.
Le panorama migratoire actuel fait face à des défis importants. Aux États-Unis, l’administration de Donald Trump a intensifié ses politiques migratoires durant son second mandat, réactivant des programmes tels que le 287(g), qui permet aux agents locaux d’agir en tant qu’officiers de l’immigration fédérale. Cette collaboration a entraîné une augmentation considérable des déportations, avec plus de 8 000 personnes arrêtées depuis son retour au pouvoir. De plus, les restrictions sur les arrestations dans des zones auparavant considérées comme sensibles, telles que les églises et les écoles, ont été supprimées, et des quotas d’arrestations ont été imposés aux agents du Service de l’immigration et du contrôle des douanes (ICE).
En Europe, la migration a été un sujet central en 2024, influençant le paysage politique et conduisant à la mise en oeuvre de politiques plus restrictives. En octobre 2024, 17 pays européens ont demandé un “changement de paradigme” dans les politiques migratoires, mettant l’accent sur la nécessité d’accélérer et d’augmenter les déportations des demandeurs d’asile. Cette approche reflète la pression croissante sur les gouvernements pour régulariser et restreindre l’entrée des personnes en situation irrégulière.
Ces chiffres et ces politiques soulignent la nécessité d’établir des approches migratoires humanitaires et cohérentes qui reconnaissent la diversité des situations et les droits des migrants. L’équilibre entre le contrôle des frontières et la protection des droits humains reste un défi crucial dans le contexte migratoire mondial actuel.
Les défis de la santé sont critiques dans les contextes migratoires . Dans les camps de réfugiés du Asie occidentale, seules environ 60 % des besoins de santé de base sont couverts, affectant la qualité de vie et la sécurité des populations déplacées. En Afrique, l’accès aux médicaments essentiels dans les camps de réfugiés couvre environ 55 % de la demande, mettant en évidence les carences en soins de santé pendant les crises. De plus, la résistance aux antimicrobiens est devenue une menace croissante dans ces environnements, compliquant le traitement des infections courantes et augmentant le risque de propagation de maladies résistantes. Ces défis, bien qu’urgents, offrent également des opportunités concretes, comme le renforcer des systèmes de santé et d’éducation, qui bénéficient tant aux migrant qu’aux populations locales. Les efforts de coopération internationale et les programmes d’intégration des réfugiés peuvent constituer des leviers pour améliorer l’accès aux soins et à l’éducation pour les populations déplacées, tout en soutenant les pays hôtes.
La migration irrégulière et l’asile sont des piliers du panorama migratoire mondial. La crise vénézuélienne en Amérique latine a favorisé des flux irréguliers, de nombreux migrants empruntant des routes dangereuses à la recherche de sécurité. En 2025, les demandes d’asile au Mexique ont triplé après les restrictions aux États- Unis. À l’échelle mondiale, 5,6 millions de personnes ont demandé l’asile en 2024. Parallèlement à ces défis, il existe des solutions innovantes, comme l’intégration des migrants dans les marchés du travail locaux, créant ainsi des opportunités pour les deux côtés.
Ces efforts contribuent à renforcer les économies locales tout en permettant aux migrants de reconstruire leur vie de manière digne et productive. Alors que ces défis persistent, la réponse mondiale ne devrait pas seulement consister à restreindre la migration, mais aussi à exploiter ses potentiels pour un développement commun.
Les déplacements internes, aggravés par les conflits et les catastrophes climatiques, ont atteint 35 millions en Afrique, avec la Republique Democratic du Congo, l’Éthiopie et le Soudan parmi les plus touchés. Le manque de protection et de ressources augmente la vulnérabilité de ces populations, exigeant des solutions urgentes et durables. Ces déplacements internes, qui sont en grande partie causés par des conflits et des catastrophes climatiques, soulignent la nécessité urgente de politiques migratoires globales adaptées. Il est impératif que des actions concrètes soient entreprises à l’échelle internationale pour améliorer la protection et la réintégration de ces populations déplacées, en travaillant avec les gouvernements locaux et les organisations humanitaires.
Ainsi, la migration, sous toutes ses formes, est un phénomène multidimensionnel influencé par des facteurs géopolitiques, des conflits persistants et des crises environnementales, des éléments qui continueront de façonner les flux migratoires mondiaux. Les données et exemples présentés montrent que, bien que les défis soient indéniables — de la migration irrégulière et des déportations aux limitations dans les secteurs de la santé et de l’éducation — des opportunités d’intégration, d’innovation et d’enrichissement culturel émergent également.
Ces opportunités, comme le renforcement des systèmes de santé et d’éducation, bénéficient non seulement aux migrants, mais aussi aux communautés d’accueil, créant des dynamiques positives dans les sociétés hôtes.
Il est essentiel que les médias et les autorités évitent les récits simplistes ou les campagnes négatives qui homogénéisent les migrants, en reconnaissant que chaque histoire et chiffre reflète des réalités complexes et diversifiées. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les défis, il faut mettre en lumière les contributions et le potentiel des migrants, qui enrichissent les sociétés à travers leurs compétences et leurs expériences.
Face à ces défis urgents, une réponse collective est indispensable, impliquant des politiques migratoires inclusives et respectueuses des droits humains. La responsabilité collective rési
de dans la promotion d’une vision équilibrée et humaniste, fondée sur des données vérifiables, qui, tout en répondant aux défis actuels — tels que les enjeux environnementaux et les tensions géopolitiques —, permet de saisir les opportunités offertes par la migration. Une telle approche doit être solidaire, respectueuse des droits humains et soucieuse de la prospérité partagée.
Les efforts coordonnés au niveau international, le soutien aux communautés locales et la mise en oeuvre de politiques inclusives sont essentiels pour transformer la migration en un moteur de développement durable, d’innovation et de prospérité partagée. Une approche solidaire, qui combine soutien aux migrants et aux communautés d’accueil, peut véritablement changer la dynamique de la migration et en faire un levier de progrès pour tous.
Bonjour. Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation et d’être notre invité aujourd’hui. Si vous le permettez, commençons par la première question :
Quelles ont été les principales raisons qui vous ont poussé à quitter l’Afghanistan ?
Comment avez-vous vécu ce processus ?
Merci de m’accueillir. Je peux dire que j’ai dû quitter mon pays pour des raisons politiques. Bien sûr, c’était une décision difficile et un processus compliqué. Mais je n’avais pas d’autre choix.
Le fait d’avoir dû quitter votre pays, comment cela a-t-il affecté votre vie ? Comment avez-vous vécu cette expérience de recommencer une nouvelle vie ?
Après avoir quitté mon pays, j’ai rejoint un autre pays. Y recommencer ma vie à zéro, être éloigné de mon pays, et me dire que je ne pourrais jamais y retourner… Tout cela a été extrêmement difficile. Mais je n’avais pas d’autre choix. Je me suis dit à moi-même :
“Je dois commencer une nouvelle vie ici.” C’était un processus très compliqué, mais avec l’aide de Dieu, j’ai essayé d’y faire face du mieux possible.
Quelles difficultés votre famille a-t-elle rencontrées après le changement de régime, notamment en ce qui concerne l’éducation de vos frères et soeurs et les changements dans votre foyer ?
Après le 15 août 2021, lorsque les Talibans ont repris le pouvoir, ma famille, qui est restée en Afghanistan, a été directement affectée par la situation. Mes frères et soeurs étaient étudiants en médecine à l’université publique. S’ils avaient pu poursuivre leurs études, aujourd’hui, ils seraient de jeunes médecins qualifiés, prêts à servir la société. Mais malheureusement, cela fait trois ans qu’ils sont contraints de rester à la maison, sans pouvoir poursuivre leur formation.
Ma mère était enseignante dans un lycée pour filles. Mais comme les filles ne sont plus autorisées à aller à l’école, elle a automatiquement perdu son emploi et ne peut plus travailler. En d’autres termes, ma mère et mes frères et soeurs sont enfermés chez eux, sans aucune possibilité de mener une vie active. C’est une situation extrêmement difficile. Mon père était entrepreneur et dirigeait sa propre entreprise. Mais ces derniers temps, les Talibans ont imposé des règles très strictes aux commerçants et aux entrepreneurs. Mon père n’a pas pu s’adapter à ces nouvelles exigences et a donc été contraint de fermer son entreprise. Et il n’est pas le seul. Environ 90 % de ses collègues du même secteur ont également dû arrêter leurs activités. En résumé, cette situation a eu un impact très négatif et très lourd sur chaque membre de ma famille.
En ce qui concerne votre mère et votre soeur, vous avez dit qu’elles avaient dû arrêter leurs études et leur travail après l’arrivée des Talibans. Est-ce uniquement dû à la fermeture des écoles, ou bien y a-t-il une politique générale interdisant aux femmes de travailler et de participer à la vie sociale ?
Je dirais que c’est les deux. Les Talibans interdisent aux filles d’aller à l’école à partir de l’âge de 12 ou 13 ans, c’est-à-dire dès le collège.
L’enseignement supérieur leur est également complètement interdit. De plus, même les femmes diplômées qui travaillaient sous le gouvernement précédent ont perdu leur emploi. Elles n’ont plus le droit de travailler. Leur vie sociale a aussi été drastiquement réduite. Par exemple, les femmes ne peuvent plus aller dans les parcs ou les centres commerciaux. Elles ne peuvent pas sortir sans être accompagnées par un homme de leur famille. Elles ne peuvent pas prendre un taxi seules, ni voyager d’une ville à l’autre ou à l’étranger. Selon la vision des Talibans, les femmes doivent rester à la maison, ne pas sortir, ne pas parler aux hommes, ne pas travailler et ne pas étudier.
Lorsque vous viviez en Afghanistan, quelles étaient les principales difficultés du quotidien ? Quel a été l’élément déclencheur qui vous a poussé à partir ?
J’avais un emploi en Afghanistan, et c’était un travail difficile. Mais malgré tout, j’étais motivé, passionné et animé par un profond amour pour mon pays. Ce qui me donnait de la force, c’était de voir que les femmes pouvaient travailler, que les filles pouvaient aller à l’école, que chacun pouvait vivre librement et en paix. Cela me motivait énormément. Malgré la difficulté et la dangerosité de mon travail, cela me donnait envie de continuer. Mais un jour, ma propre vie a été menacée. Je devais partir.
Vous êtes arrivé en Suisse et vous vivez maintenant à Genève. Comment s’est passée votre adaptation ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ?
Comme je l’ai dit, s’installer dans un nouveau pays et recommencer à zéro, c’est un processus extrêmement difficile. Être séparé de ses amis, de son pays, de sa culture… Tout cela n’est pas facile. Au début, j’ai vécu des moments très difficiles.
La solitude, la barrière culturelle et surtout la barrière linguistique… Mais je me suis dit : “Si tu continues à penser comme ça, tu ne pourras jamais trouver ta place ici.” Alors j’ai décidé d’être fort et d’avancer. Je n’avais pas le choix, parce que ma famille compte sur moi et je suis leur dernier espoir. C’est cette motivation qui m’a donné la force de continuer. J’ai donc commencé par apprendre la langue. Car sans cela, l’intégration est presque impossible.
Nous avons observé que vous avez énormément progressé dans l’apprentissage des langues.
Dieu merci, aujourd’hui je peux m’exprimer et me faire comprendre. J’ai appris la langue, j’ai trouvé un travail, je fais du bénévolat, je fais du sport et j’ai rencontré de nouvelles personnes. Je suis libre et en sécurité. Mais parfois, quand je pense à ma famille, et surtout à mes frères et soeurs, j’ai du mal à contenir mes émotions.
Si je reste constamment plongé dans ces pensées, je risque de me perdre moi-même. C’est pourquoi j’essaie de garder un équilibre entre ces émotions. Parfois, je suis heureux, parfois je suis inquiet, parfois je ressens de la paix. Récemment, il m’est arrivé quelque chose d’étrange. Je voulais regarder quelque chose sur Google Maps, alors j’ai cherché ma ville natale. Pendant quelques minutes, j’ai eu l’impression d’être encore là-bas, comme si je vivais encore sous le régime des Talibans. C’était une sensation si forte que j’ai immédiatement fermé l’application. Je n’ai même pas pu supporter deux ou trois minutes cette idée. Mais c’est mon pays. C’est ma ville. C’est ma culture. C’est ma religion. Et pourtant, aujourd’hui, à cause de ce régime, je ne peux même pas imaginer y être. Ce jour-là, j’étais complètement abattu. Je me suis dit : “Que Dieu aide mes frères et soeurs, ma famille et tout le peuple afghan.” Parce que c’est une souffrance indescriptible.
En ce moment, vous êtes loin de votre pays. Alors, d’un point de vue culturel et identitaire, comment vivez-vous le fait d’être en quête d’un équilibre entre votre culture d’origine et celle de votre pays d’accueil ? Comment percevez-vous votre intégration dans cette nouvelle culture ?
C’est une très bonne question. En réalité, il existe d’énormes différences entre la culture afghane et la culture suisse. Mais je crois profondément que toutes les cultures ont à la fois des aspects positifs et négatifs. J’essaie donc de laisser de côté les aspects négatifs de ma propre culture, tout en conservant et en développant ses côtés positifs. J’adopte la même approche vis-à-vis de la culture suisse. Pour s’intégrer, il faut forcément s’immerger un peu dans cette culture. Mais cela ne signifie pas que l’on doit tout accepter sans distinction.
J’essaie d’intégrer les aspects positifs de la culture suisse dans ma vie, tout en gardant mes distances avec ce que je considère comme négatif. En fin de compte, mon objectif est de créer une synthèse en prenant des éléments de différentes cultures, tout en restant fidèle à mes croyances et à mon mode de vie.
Qu’est-ce qui vous a motivé tout au long de votre processus d’intégration ?
Sans motivation, il est très difficile d’avancer. Pour moi, ma famille a été ma plus grande source de motivation. Mais c’est un sentiment paradoxal… Parce que ma famille est aussi la source de ma tristesse et de mon chagrin. Quand je pense à eux, cela me donne de la force, mais en même temps, cela me rend profondément triste. Mais je crois que ce n’est pas une mauvaise chose. Au contraire, c’est même très beau. Car s’inquiéter pour ses proches, penser à leur avenir, se soucier d’eux… C’est aussi une belle preuve d’amour. Si j’étais resté en Afghanistan, et que ma famille n’était pas là, peut-être que je n’aurais pas autant cherché à m’intégrer. Mais en pensant à eux, en réalisant que je suis leur dernier espoir, je me suis dit : “Je dois avancer, non seulement pour moi, mais aussi pour eux.” Cette pensée m’a donné de la force et de l’énergie. Ma famille est tout pour moi.
Revenons à l’Afghanistan.
Vous avez vécu une expérience bouleversante, notamment avec le changement de régime. Vous avez observé ce processus à la fois à travers votre propre vie, mais aussi à travers celle de votre famille et de votre entourage. Comment ce changement a-t-il affecté les vies individuelles ?
Comme disent les Français, “C’est une catastrophe.” Ce changement de régime a eu un impact profondément négatif sur moi, ma famille et l’ensemble du peuple afghan. Les conséquences pour le pays sont immenses. Des professeurs, des médecins, des ingénieurs, des personnes hautement qualifiées et talentueuses ont été forcées de partir. Aujourd’hui, elles travaillent en Europe, aux États-Unis ou ailleurs, et elles contribuent à renforcer et à développer ces pays. Mais l’Afghanistan, lui, a perdu ses cerveaux, son potentiel, son avenir. Un pays sans éducation est un pays qui ne peut pas avancer. Aujourd’hui, la moitié de la société afghane est privée d’éducation. Le pays est bloqué. Et au-delà de l’éducation,ce changement de régime a eu un impact dévastateur sur chaque individu. Dans tous les domaines, les conséquences sont dramatiques. Avant l’arrivée des Talibans, beaucoup d’Afghans ne voulaient pas quitter leur pays, même si on leur proposait de l’or. Ils se disaient : “C’est notre pays, nous sommes en sécurité, nous sommes libres, nous pouvons vivre ici.” Ils voulaient rester et aider à bâtir leur nation. Mais aujourd’hui, dès qu’ils trouvent une occasion de partir, ils n’hésitent plus une seconde. Même s’ils aiment profondément leur pays, il n’est plus possible d’y vivre dans de telles conditions.
Si un jour, l’Afghanistan devenait un pays stable et sûr, envisageriez-vous d’y retourner ?
Aujourd’hui, ma vie est en danger si je retourne en Afghanistan. Comme moi, des milliers de personnes ne peuvent pas rentrer.
Mais si le régime change, si un gouvernement stable et sécurisé est mis en place, je rentrerai sans hésiter. Bien sûr, nous devrons recommencer à zéro. Mais au moins, nous serons en sécurité et ensemble. Peut-être que nous ne verrons pas ces jours meilleurs de notre vivant, car reconstruire un pays prendra des années, voire des générations. Mais peu importe. Nous ferons notre part. Nous ferons tout notre possible. L’essentiel, c’est que nos enfants, nos petits-enfants et les générations futures puissent voir des jours meilleurs.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous rend heureux ? Et quel est votre plus grand rêve pour l’avenir?
Honnêtement, il n’y a rien dans ma vie aujourd’hui qui me rend profondément heureux. Car mon pays et ma famille sont toujours dans un coin de mon esprit. Bien sûr, j’ai un travail, je fais du sport, j’aime ce que je fais. Être libre et en sécurité me fait du bien. Mais ce n’est pas le bonheur que j’ai en tête. Ce sont de petits moments de joie, des éléments qui m’aident à tenir, qui me permettent de garder ma motivation. Mais dès que je pense à ma famille, à mon pays, à ce qui s’y passe, je ressens une profonde tristesse. Alors j’essaie de garder un équilibre, de ne pas sombrer dans le négatif. Si je devais parler de mon rêve le plus cher, je dirais que mon plus grand souhait est que mon pays soit libre et en paix. Que les filles et les femmes puissent travailler et étudier librement. Si ce rêve devient réalité, je n’aurai plus rien à demander à Dieu. Ce serait le plus beau cadeau que la vie puisse m’offrir.
Merci infiniment de nous avoir accordé du temps et partagé votre histoire. Nous sommes très reconnaissants au nom de notre magazine. C’est moi qui vous remercie. Je suis heureux d’avoir pu partager mon expérience avec vous. J’espère qu’en racontant mon histoire, je pourrai, ne serait-ce qu’un peu, contribuer à la réalisation de mon rêve.
Les notions d’activation, d’intégration et d’insertion professionnelles sont centrales dans la dynamique du marché du travail, en particulier pour les personnes éloignées de l’emploi. Vincent Delorme, dans ses travaux, propose une approche structurée de ces concepts en les reliant à des catégories de facteurs qui influencent l’insertion professionnelle. Ces catégories sont détaillées dans l’article:
“Cadre conceptuel :
les facteurs agissant sur l’insertion professionnelle des bénéficiaires de l’aide sociale”.
Activation
L’activation désigne un ensemble de politiques visant à encourager les bénéficiaires d’aides sociales à adopter une attitude proactive dans leur recherche d’emploi. Ce concept repose sur l’idée que l’accès à l’aide sociale doit être conditionné par des efforts de recherche d’emploi. Dans le cadre de l’activation, Delorme identifie des facteurs externes, tels que les politiques publiques visant à réduire le chômage, qui influencent l’efficacité de ces mesures. Par exemple, l’Accompagnement à la Recherche d’Emploi (ADR) a pour but d’inciter les bénéficiaires à participer activement à leur réinsertion.
Un aspect important à considérer est que, parfois, avant de se lancer dans la recherche d’un emploi, il est nécessaire de résoudre certaines problématiques personnelles, telles que des problèmes familiaux, de santé ou même d’apprentissage de la langue. Comme l’a souligné notre professeur, les personnes qui parlent bien le français ont souvent plus de chances de s’intégrer dans la société.
L’article mentionne également que les circonstances personnelles, telles que les valeurs culturelles vis-à- vis du travail, peuvent influencer cette activation.
Intégration
L’intégration professionnelle, quant à elle, fait référence à l’état ultime recherché à travers le processus d’insertion : il s’agit d’obtenir un emploi stable et de s’intégrer durablement dans le marché du travail. Delorme souligne l’importance des facteurs individuels, comme les compétences sociales et la motivation, qui sont cruciaux pour réussir cette intégration. Une anecdote marquante partagée en cours illustre bien ce point :
un homme, après avoir été longtemps au chômage, se rend compte que son enfant souhaite un jouet qu’il ne peut pas lui acheter. Cet instant de prise de conscience devient un déclencheur pour lui, le poussant à chercher un emploi afin de pouvoir satisfaire ce désir. C’est souvent dans ces moments d’éveil que les individus réalisent la nécessité de leur intégration professionnelle.
Insertion
L’insertion professionnelle est le processus par lequel un individu accède au marché du travail. Dans l’article de Delorme, trois catégories de facteurs influençant ce processus sont décrites : les facteurs externes, les circonstances personnelles et les facteurs individuels.
Par exemple, la situation économique et les politiques d’activation sont des facteurs externes cruciaux, tandis que les problématiques sociales et familiales relèvent des circonstances personnelles. Il est à noter que l’insertion sociale doit précéder l’insertion professionnelle. Avant de penser à un emploi, il est essentiel de garantir l’intégration sociale de l’individu, comme le souligne également l’article.
En somme, l’interaction entre ces trois notions est complexe et nécessite une approche intégrée pour favoriser l’accès et la pérennité des emplois pour les personnes en difficulté.
Loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité.
Adoptée en 2024, cette loi vise à simplifier l’accès à l’aide sociale et à offrir un accompagnement personnalisé pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de précarité.
Adoption et objectifs de la loi
• La loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, dans le but de répondre de manière plus efficace aux besoins des personnes en difficulté.
• Elle s’inscrit dans une volonté de faciliter l’accès à l’aide sociale, en réduisant les démarches administratives, tout en proposant un suivi global centré sur l’insertion.
• L’objectif est d’accompagner les bénéficiaires, notamment les jeunes, les familles et les enfants, dans un parcours d’autonomisation, en s’appuyant sur une évaluation de leurs besoins spécifiques (logement, santé, formation, emploi, etc.).
Principales innovations et améliorations
• Simplification administrative : le calcul de l’aide est effectué tous les 6 mois, sans demande systématique de documents.
• Incitation à l’emploi : une partie du salaire n’est plus déduite de l’aide financière, permettant d’augmenter les revenus mensuels.
Contribution à l’intégration professionnelle
• La loi vise à favoriser l’employabilité et l’autonomie financière des bénéficiaires, en les aidant à développer leurs compétences et leur réseau professionnel.
• L’objectif est de permettre une (ré)insertion durable sur le marché du travail, en offrant un soutien adapté aux besoins de chacun.
• Les innovations en matière de gestion budgétaire et d’incitation à l’emploi devraient contribuer à une meilleure intégration professionnelle à long terme.
En résumé, cette loi marque un tournant dans l’approche de l’aide sociale, en plaçant l’insertion sociale et professionnelle au coeur du dispositif, dans une logique d’autonomisation et de simplification des démarches pour les bénéficiaires.
Positionnement sur les mesures d’activation et d’insertion professionnelle
La réflexion sur l’alignement des mesures proposées avec les valeurs personnelles est cruciale. Dans ce contexte, un certain conflit peut être identifié entre les mesures d’activation et d’insertion professionnelle, et les valeurs d’empathie et de respect de la dignité humaine.
D’un côté, le concept d’activation, qui conditionne l’accès à l’aide sociale à une attitude active de recherche d’emploi, peut sembler juste et nécessaire dans une optique de responsabilisation. Cependant, cette approche risque de négliger les réalités complexes auxquelles font face de nombreux bénéficiaires, comme les problématiques personnelles (familiales, de santé, linguistiques, etc.) identifiées dans l’article de Vincent Delorme. Il est essentiel de prendre en compte ces éléments, sans quoi les mesures d’activation peuvent conduire à une stigmatisation et à une marginalisation des personnes en difficulté, ce qui serait en contradiction avec les valeurs de compassion et de justice sociale
D’un autre côté, les incitations financières aux entreprises pour l’embauche de bénéficiaires d’aide sociale peuvent offrir des opportunités d’intégration. Néanmoins, les risques de précarisation soulevés dans le texte sont préoccupants. Si les emplois proposés ne permettent pas une véritable intégration durable, cela peut créer des situations difficiles ne respectant pas la dignité des individus.
En résumé, bien que certaines mesures puissent présenter des bénéfices, il est essentiel de les examiner de manière critique afin de s’assurer qu’elles ne compromettent pas les valeurs fondamentales d’empathie, de respect et de dignité
humaine. Ent tant que travailleurs sociaux, l’engagement sera de défendre ces valeurs tout en cherchant à trouver un équilibre entre les exigences des politiques d’activation et les besoins réels des personnes accompagnées.
Delorme, V., (2016), Bénéficiaires d’aide sociale de longue durée : freins et ressources pour retrouver un emploi, Master, IDHEAP, Lausanne (p. 20 à 32)
Schweri, Michel. Concepts-clés Marché travail HETS. Notes de cours AS1.
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Fonksiyonel
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Teknik depolama veya erişim, abone veya kullanıcı tarafından açıkça talep edilen belirli bir hizmetin kullanılmasını sağlamak veya bir elektronik iletişim ağı üzerinden bir iletişimin iletimini gerçekleştirmek amacıyla meşru bir amaç için kesinlikle gereklidir.
Tercihler
Teknik depolama veya erişim, abone veya kullanıcı tarafından talep edilmeyen tercihlerin saklanmasının meşru amacı için gereklidir.
İstatistik
Sadece istatistiksel amaçlar için kullanılan teknik depolama veya erişim.Sadece anonim istatistiksel amaçlar için kullanılan teknik depolama veya erişim. Mahkeme celbi, İnternet Hizmet Sağlayıcınızın gönüllü uyumu veya üçüncü bir taraftan ek kayıtlar olmadan, yalnızca bu amaçla saklanan veya alınan bilgiler genellikle kimliğinizi belirlemek için kullanılamaz.
Pazarlama
Teknik depolama veya erişim, reklam göndermek için kullanıcı profilleri oluşturmak veya benzer pazarlama amaçları için kullanıcıyı bir web sitesinde veya birkaç web sitesinde izlemek için gereklidir.